Prélèvement à la source : les ennuis commencent !
L’exécutif n’est pas au bout de ses peines pour imposer une réforme qui n’est même pas la sienne. Emmanuel Macron est bien placé pour le savoir.
Par Sophie Coignard
Les premières fausses notes de Bercy, concernant le prélèvement à la source, viennent de retentir. Dans un premier temps, le ministère a annoncé que l’application de cette réforme controversée était reportée d’un an pour les employés à domicile. L’administration a dû reconnaître qu’elle était incapable de mettre en place, dès le 1er janvier prochain, le dispositif qui permettrait de prélever l’impôt sur le revenu en même temps que les cotisations sociales, comme cela se fait déjà pour les chèques emploi-service. Et le ministère a annoncé que les quelque 250 000 personnes concernées paieraient en 2020 deux années en une : l’impôt différé de 2019 plus celui de l’année en cours, prélevé à la source.
Une solution empoisonnée, parce qu’elle se serait appliquée à des contribuables modestes, qui risquaient de ne pas pouvoir assumer financièrement une double imposition pendant une année. C’est pourquoi le ministère des Finances envisage désormais d’exempter purement et simplement ces nounous, femmes de ménage et jardiniers de toute imposition en 2019. Mais ses fonctionnaires n’ignorent pas qu’une telle « fleur » fiscale, même si elle ne prive le budget de l’État que de quelques millions d’euros de ressources, risque de se fracasser sur la règle de l’égalité devant l’impôt. Un dilemme difficile à résoudre…
Des mauvais souvenirs pour Macron
C’est le premier couac, mais sûrement pas le dernier, de l’avis de nombreux experts en fiscalité. D’autant que les problèmes techniques, s’ils se multiplient, se transformeront en difficultés politiques pour le gouvernement. L’exécutif est donc contraint de prendre des risques non négligeables pour une réforme qui n’est même pas la sienne. Cela fait des années, et même des décennies, que les hauts fonctionnaires des Finances tentent de « vendre » le prélèvement à la source à tous les ministres qu’ils voient passer. Et c’est finalement François Hollande qui l’a achetée, en 2015. Il n’était pas obligatoire de faire prospérer cet héritage.
Emmanuel Macron est en effet bien placé pour savoir ce qu’il advient d’une innovation fiscale mal ficelée. Il était secrétaire général adjoint de l’Élysée, chargé des dossiers économiques et financiers, quand le Conseil constitutionnel a censuré, en décembre 2012, l’imposition à 75 % pour les tranches de revenus supérieures à un million d’euros mise en place quelques mois auparavant. Il occupait les mêmes fonctions quand fut instaurée la taxe à 3 % sur les dividendes, totalement invalidée par le même Conseil constitutionnel en octobre 2017. Le président ne peut pas avoir oublié cette dernière décision, qui a pesé sur la première année de son quinquennat en termes de finances publiques.