Pour Michel Lamarre, plus d’une ville aujourd’hui en Normandie voudrait être à la place d’Honfleur

Défiscalisation, Loi Malraux
14/06/2018
Entretien. Michel Lamarre passe en revue les sujets qui font l’actualité d’Honfleur. Santé économique, démographie, emploi, la ville semble repartir du bon pied. Y a-t-il un effet centre de marques ? Éléments de réponse…
Le centre de marques vous donne-t-il satisfaction ?

Michel Lamarre. « J’entends des choses, je vois bien que certains essaient de le déstabiliser. Les responsables du centre sont contents, je n’ai pas de raison d’en douter. »

Vous avez de nouveaux chiffres de fréquentation ?

« Celui que j’ai (270 000 visiteurs) remonte à plusieurs mois… Je pense, comme eux, qu’il est bon d’attendre la fin du premier exercice, pour juger. Ce que je sais, c’est que les Galeries Lafayette, la locomotive du centre, Nike et Levi’s notamment marchent très bien. Cinq nouvelles boutiques sont en projet, de belles enseignes me dit-on. L’engagement, c’est 80 % des boutiques pleines à la fin 2018. Nous sommes en juin, les choses se passent normalement. »

Beaucoup de visiteurs se disent déçus par l’offre commerciale, notamment celle des Galeries Lafayette ?

« On ne va tout de même pas regretter que les Galeries Lafayette soient au pied d’Honfleur alors qu’il y a deux ans il fallait aller au Havre, à Caen ou à Paris. Les Galeries Lafayette, c’est un nom qui parle aux États-Unis, au Japon. Après, que les gens aiment ou pas, ce que je sais c’est qu’ils ont un panier moyen d’achats supérieur à ce qu’ils avaient prévu. »

Les retombées sont positives pour la ville ?

« Certains croisiéristes qui n’inscrivaient pas Honfleur dans leurs escales vont le faire parce qu’il y a le centre de marques et la détaxe. Non seulement ce centre ne concurrence pas nos commerçants mais il apporte un plus aux restaurateurs, aux bars, aux tabacs… Reste à améliorer la signalétique et la mise en lumière, qui ne dit pas suffisamment aux visiteurs extérieurs où ils arrivent… Mais quand je vois 500 emplois créés, + 11 % de demandes de logements notamment par des gens qui travaillent sur le centre et aussi les inscriptions scolaires en hausse, même si je préférerais que toutes les boutiques soient ouvertes, je ne peux pas me plaindre. Si je n’avais rien tenté, qu’aurait-on dit ? La ville s’écroule, les écoles ferment, il n’y a plus d’espoir. Là, je suis plein d’espérance. Je vous assure que plus d’une ville en Normandie voudrait être à la place d’Honfleur. »

« Quand vous êtes à Honfleur, vous ne voulez pas partir »

Le site seloger.com a classé Honfleur ville la plus romantique de France. Qu’est ce que cela vous inspire ?

« Il prêche un convaincu. Les gens ne se rendent plus compte parfois du trésor qu’ils ont sous les yeux. Honfleur n’est pas seulement une ville historique, c’est une ville attachante qui attire depuis toujours par sa lumière si particulière et si changeante beaucoup d’artistes, des peintres notamment. Saint Delis, dont l’œuvre n’est pas encore, selon moi, à la mesure de ce qu’elle devrait être, est venu quelques jours peindre à Honfleur, il n’est jamais reparti. Eugène Boudin et Alexandre Dubourg, dont les tableaux ornent le musée Boudin, sont de grands romantiques. De gros efforts ont été faits sur les chambres d’hôtes de charme, alors oui, aujourd’hui, séjourner à Honfleur, est vraiment très romantique. »

La fréquentation touristique est en hausse et la baisse de la population semble stoppée. C’est encore l’effet centre de marques ?

« Il y a aussi toute l’activité logistique, qui s’installe sur cette zone, au pied du pont de Normandie, que j’ai voulue dès mon arrivée à la mairie. Je savais, pour être né dans cette ville, que cela manquait. Quand vous êtes à Honfleur, vous ne voulez pas partir alors il faut faire venir les entreprises. L’arrivée récente du groupe Besnier (Lactalis), premier groupe laitier ondial qui a choisi Honfleur comme base logistique pour desservir toute l’Asie, s’est traduite par la création d’une centaine d’emplois. Aujourd’hui, je me bats pour obtenir un BTS métiers de la logistique, ce serait une chance supplémentaire pour les jeunes. »

L’opposition propose de taxer les locations saisonnières importantes à Honfleur. C’est sérieux ?

« Nous serions dans une ville comme Barcelone où les locaux ne peuvent plus habiter en ville parce que tout est loué aux touristes, j’y réfléchirais. Ce n’est pas le cas. Les gens ne veulent pas habiter les petites maisons de pêcheurs étroites, sur plusieurs étages, pas faciles d’accès et au confort relatif. Beaucoup sont vides. Donc, permettre à ces propriétaires de louer le week-end, pendant les vacances, amène de l’activité et permet aussi le sauvetage de certaines maisons typiques. On est loin de la situation de Paris, Londres, ou New York où la moindre cave devient un studio de week-end. »

Que vous inspire la polémique née du projet de restauration de « La Mora », le bateau de Guillaume Le Conquérant à Honfleur ?

« C’est un projet privé, avec des gens qui ont participé à l’aventure de l’Hermione à Rochefort sans que La Rochelle ne s’y oppose. Ils veulent venir ici car nous avons les installations et 4 millions de touristes. Donc, des retombées économiques évidentes, pour eux, mais aussi pour toute la Normandie. On m’accuse de vouloir ramener le projet à Honfleur, on me dit La Mora n’a pas été construite à Honfleur, Guillaume le Conquérant, c’est Dives, Barfleur, pas vous… C’est un mauvais procès. En 2016, nous avons accueilli 52 bateaux de croisières, qui ont permis 2,6 millions d’euros de retombées pour toute la Normandie. Ce sont des chiffres officiels. Honfleur attire certes, mais renvoie aussi. À trop polémiquer, on prend le risque que le projet ne se fasse plus du tout en Normandie…»

Honfleur berceau de l’impressionnisme

Où en est votre projet de musée international de la peinture impressionniste ?

« La réflexion est lancée, cela prendra plusieurs années. L’idée est de créer un pôle muséographique comprenant un espace dédié à Boudin et aux précurseurs de l’impressionnisme. Il s’appellera Honfleur berceau de l’impressionnisme, car si l’impressionnisme n’appartient pas seulement à Honfleur, mais aussi à Giverny, au Havre, à Rouen, aux bords de Seine et à la Normandie, les précurseurs, pour beaucoup, se sont rencontrés à Honfleur à la ferme Saint-Siméon. Honfleur c’est la naissance et une école d’Honfleur de l’impressionnisme au XIXe. Ce musée intégrera aussi une université interculturelle, qui permettra à chacun de travailler le chant, le théâtre, la peinture, la vidéo, le cinéma. Je voudrais que cet endroit fasse naître l’inspiration, qui rappelle l’esprit de l’École d’Honfleur. »

 

C’est typiquement un projet pouvant être porté par le Pôle métropolitain et partagé au Havre par le MuMa ?

« J’avais déjà proposé à Antoine Rufenacht [maire du Havre de 1995 à 2010, N.D.L.R.] un Pass entre nos deux musées. J’ai reproposé à Luc (Lemonnier) ce que j’avais soumis à Édouard (Philippe), une navette fluviale entre nos musées. Un parcours de Boudin à Malraux, d’un port du Moyen Âge à un port moderne, ça, c’est du concret, c’est plus fort que de savoir pourquoi je ne suis pas dans le Pôle. Tant qu’il sera fermé, je n’irai pas. »

 

  Marie-Christine URSET