MEGEVE Luxe en altitude
Un ancien village agricole
Fermes anciennes, chapelles et hameaux d’altitude ferment un écrin authentique, qui fait le charme de cette station alpine.
Avant 1921, ce n’était qu’un petit bourg agricole niché à l’orée du Val d’Arly, au creux d’une auge aux pentes douces et ensoleillées sur lesquelles il essaimait ses hameaux : Le Maz, Le Planellet, Le Planay, Les Pettoreaux, Le Villard, Cassiez… Ses 1800 habitants y vivaient pour l’essentiel de l’exploitation forestière et de l’élevage, au rythme des saisons qui voyaient les villages s’ensommeiller l’hiver sous le manteau neigeux. Pour le visiteur observateur, derrière la station d’hiver chic, Megève demeure aujourd’hui encore un village savoyard authentique où nombre de moniteurs de ski redeviennent artisans ou paysans avec le retour des beaux jours. Disséminées parmi les beaux chalets en bois destinés aux skieurs subsistent quelque 200 fermes imposantes, dont certaines en plein cœur du bourg, telle la Ferme d’Hélène qui abrite aujourd’hui derrière ses solides murs en pierre une galeriste, une fleuriste et une restauratrice de mobilier, toutes unies par un même talent. Du côté du massif du Jaillet, avec son étable vitrée et sa carte élaborée à partir de produits de fabrication maison, la Ferme de Joseph perpétue cette tradition agricole. De fait, une cinquantaine de fermes sont toujours en exploitation sur le territoire de Megève. Et les pistes de ski restent par semées de granges et autres bâtiments exploités l’été dans le cadre de la transhumance.
1. Érigée au XVIIe siècle, la chapelle du Maz rayonne sur le hameau du même nom, situé en surplomb du village de Megève. Un agréable sen tier pédestre relie d’ailleurs les deux centres, offrant une agréable promenade du premier vers le deuxième, qui se révèle dans une vue Page 3/14 générale époustouflante. 2. Situé au cœur du bourg, dans une ferme du XIXe siècle, le musée du Haut Val d’Arly présente au rez-de-chaussée un intérieur paysan traditionnel et, à l’étage, une impressionnante collection de luges, bâtons et spatules en bois permettant de retracer l’histoire du ski, avec ses fabuleuses avancées techniques. 3. Le petit patrimoine vernaculaire, tel l’outillage ancien, est amoureusement conserve et mis en scène par les Mégevans, comme ce tonneau rempli d’eau gelée dans les jardins des Chalets de Marie, k. Les détails architecturaux abondent sur les façades des chalets historiques. Menuiseries et huisseries arborent des ornements sculptes qui signent leur valeur patrimoniale. 5. Équidés et bovidés n’ont pas quitté les alpages de Megève. On les rencontre toujours, y compris en hiver, aux abords de fermes qui demeurent en activité, comme ici dans le hameau du Planellet, en léger contrebas du luxueux Four Seasons.
L’émergence d’une station chic
Sous l’impulsion des Rothschild, férus de ski, le village se transforme dès 1920, afin d’accueillir tout le gotha.
Le destin clé ce bourg agricole bascule en 1921, après que la baronne Noémie de Rothschild, outrée d’avoir à côtoyer des Allemands à Saint-Moritz, a décidé dans un élan patriotique de lancer une station française dont le chic pourrait rivaliser avec celui de l’élégante Suissesse. Megève est désignée comme le village idéal, tant pour sa situation géographique que pour la configuration de son site ou ses conditions d’enneige ment. L’hôtel du Mont d’Arbois, « le Palace des Neiges », est ainsi inauguré en 1921. Propriété de la famille Rothschild, il est rapidement adoubé par le roi des Belges Albert Ier et son épouse la reine Élisabeth, qui y séjournent durant les hivers 1923 et 1924. Le succès de la station enfle vite, également porté par le titre de champion du monde de ski d’Emile Allais, enfant du village. C’est pour ce dernier que le fameux fuseau Aallard est inventé en 1930, et avec lui, l’idée que chic et technique peuvent aller de pair. Une vision que Megève, encore aujourd’hui, porte haut. Désormais, la maison Aallard rivalise avec Moncler, Hermès ou Bogner pour proposer des tenues de sports d’hiver griffées. Et si les autres marques se sont également implantées dans de nombreuses stations, Aallard tient à n’être présent qu’ici, sur la place du village ! Une exclusivité très appréciée des skieurs mégevans, qui trouvent ainsi sans doute un moyen de rivaliser avec la rue du Faubourg-Saint-Honoré ou l’avenue George-V… •
1.Depuis plus de cinquante-quatre ans, encerclé par un paysage d’aiguilles rocheuses, l’altiport de Megève propose, à bord de ses avions de tourisme, des survols du mont Blanc à couper le souffle.
2. Orné d’une sculpture de Jaume Plensa, le square Baronne-de-Rothschild constitue un lieu de rendez-vous et de festivités en plein cœur du bourg.
3.Regroupés sur la place du village, les taxis de Megève ne sont ni élec triques ni hybrides. Tractés par des chevaux, ils animent la station du tintement de leurs sonnailles et du claquement des sabots sur le pavé. 4. Quel est le point commun entre la place Vendôme à Paris et la place de la Croix-d’Or à Megève ? La présence de la maison La durée! 5. Moncler, Hermès, Bogner, Aallard : sur les pistes mégevannes, les tenues de sports d’hiver sont forcément des nouveautés griffées. Plébiscitée par les fashionistas, la station alpine peut prétendre au titre de capitale de la mode en montagne.
Une offre hôtelière d’exception
Il y a cent ans, la baronne Noémie de Rothschild fondait le Palace des Neiges, sur les hauteurs de Megève, Depuis, les établissements luxueux se sont multipliés.
Près d’un siècle après la fondation du célèbre hôtel du Mont-d’Arbois, en décembre 2017, les Rothschild ont doté la station d’un nouvel établissement de grand luxe, placé sous l’enseigne internationale Four Seasons. Décoré par PierreYves Rochon, orné d’œuvres d’art et de design, dont des suspensions de Jeremy Maxwell Wintrebert, des tableaux de Thierry Bruet et des pièces provenant de la collection personnelle de la célèbre famille de banquiers, le cinq-étoiles espère obtenir rapidement la Distinction Palace. Et force est de reconnaître qu’il met tout en œuvre pour cela. À commencer par un exceptionnel niveau de services. L’hôtel ne se contente pas d’offrir un accès direct aux pistes, il propose aussi un « Ski Safari » qui permet d’ac céder aux sommets en hélicoptère pour en redescendre selon un itinéraire parfait élaboré par le Ski Concierge. De quoi prendre la tête des 31 hôtels de prestige, dont neuf cinq-étoiles, qui émaillent le territoire de la commune. Parmi ces derniers, il en est néanmoins deux qui méritent d’être distingués et où l’on rêve de séjourner : Le M de Megève et Les Fermes de Marie. Situé en plein cœur de la station, le premier revisite le style montagnard à l’aune du design et d’un luxe plus contemporain. À la fois chaleureux et branché, son bar compte parmi les hauts lieux de l’après-ski. Implanté à l’orée du village et composé de neuf chalets édifiés sur des fermes d’alpage centenaires, le second est une véritable référence en matière de charme et d’art de vivre. Son nom est étroitement lié à celui d’une famille devenue également emblématique de Megève : les Sibuet, qui ont entamé avec la création de cet établissement en 1989 une aventure dans l’hôtellerie de luxe. Celle-ci les a conduits ensuite dans nombre de stations alpines très renommées. Depuis, ils ont notamment repris deux hôtels mégevans : l’historique Mont-Blanc, qui a retrouvé sous leur égide son élégance et ses lettres de noblesse, et le Lodge Park, qui décline une chaleureuse ambiance trappeur chic, tout aussi élégante quoique plus intimiste
1. Successeur du premier établissement fondé par la baronne Noémie de Rothschild, le Chalet du Mont d’Arbois, inauguré en 1979, séduit par son ambiance élégante et cosy. Les fresques naïves de Thierry Bruel illustrent l’ambiance de la station dans les années 1920. 2. Derrière les hauts sapins enneigés de son parc, en plein cœur du village, le Lodge Park offre une atmosphère chaleureuse et enveloppante qui donnerait presque envie de ne pas en sortir. 3. Boiseries séculaires, feux de cheminée, assises profondes… Véritable référence dans l’hôtellerie de charme, les neuf chalets des Fermes de Marie jouent la carte de la tradition et de l’authenticité, mâtinées d’un luxe élégant. 4. Déclinées dans des teintes anthracite et gris cendré réveillées par des louches orange potiron, les chambres du M de Megève associent tradition savoyarde el design contemporain. On y dort sous des plaids de la magnifique Filature Arpin…
Des étoiles plein l’assiette
Sous l’égide je jeunes chefs, les tables de la station hissent la gastronomie montagnarde jusqu’aux cimes, De quoi motiver une ascension gourmande …
Sur ces terres, raffinement et art clé vivre riment aussi avec gastronomie. Et dans ce domaine encore, Megève cultive l’exception et les superlatifs en arborant un total de six étoiles au firmament de ses tables : trois pour le seul Emmanuel Renaut, chef des Flocons de Sel, deux pour Julien Gatillon, chef du 1920, récemment déménage au coeur du Four Seasons, et une pour Anthony Bisquerra qui, en reprenant La Table de l’Al paga, a également hérité de son étoile. À eux trois, ces chefs hissent l’art de vivre en montagne à sa perfection. Installe sur les hauteurs de Megève, Emmanuel Renaut offre à ses hôtes des sensations et des émotions qui n’ont rien à envier à celles que procurent les pistes. Fartée comme un ski de compétition, servie par une technicité olympique, sa cuisine embrasse le paysage et donne à goûter un terroir revisité avec autant de créativité que de subtilité. Les sommets atteints par Julien Gatillon culminent à des hauteurs similaires. Et il faut au moins cela pour ne pas se faire éclipser par Kaito, l’autre restaurant du Four Seasons, qui sublime la gastronomie japonaise. L’Alpaga aussi conjugue deux tables : l’étoilée et une brasserie qui permet d’apprécier les talents d’Anthony Bisquerra à des prix plus abordables. Et s’il vous reste encore un peu d’appétit, allez déguster une fondue au M de Megève. Composée sur mesure par un maître « fromagier », la spécialité savoyarde gagne ici en unicité et en saveur. •
1 et 3. La perfection des plats signés par Julien Gatillon s’exprime aussi Page 9/14 sur le plan visuel. Célébré pour son audace rétro, ce trentenaire revisite les classiques avec une créativité remarquable. Depuis son arrivée, en 2012, à la tête des cuisines du 1920, il a décroché une étoile en 2014, puis une deuxième en 2016. Et personne ne serait surpris à Megève qu’il obtienne la troisième avant la fin de la décennie ! 2. La Table de l’Alpaga vaut par le contenu de son assiette, mais aussi par son décor, feutré et élégant. Elle ouvre sur une vaste terrasse d’où l’on admire le mont Blanc. U. Trois fois étoile, Emmanuel Renaut, aux commandes des Flocons de Sel, règne depuis vingt ans sur les sommets de la gastronomie mégevanne. Passionné de montagne, il trouve dans cet environnement plein de majesté une inspiration qui résonne avec émotion dans ses créations. 5. Lotte du lac et brochet en biscuit : l’un des joyaux de la cuisine que ce chef d’exception propose dans son établissement.
Art et design au sommet
La montagne n’a rien à envier à la ville, Ici aussi, boutiques de décoration et galeries d’art tiennent le haut du pavé.
Il suffit de faire le tour clés agences d’architecture d’intérieur et des boutiques de décoration de Megève pour saisir qu’ici le chic l’emporte de loin sur le rustique. Si les bardages en bois anciens restent très présents dans les intérieurs, on les découvre mixés à des revêtements plus contemporains : murs de résine, incrustations de tapisseries, de moquettes, de papiers peints d’éditeurs… L’éclectisme et les mélanges sont dorénavant permis, mieux, ils sont recommandés. La montagne n’échappe plus aux dernières tendances et Megève se fait fort d’en offrir une démonstration exemplaire. La prolifération des galeries dans tous les coins de rues donne une idée de l’importance accordée aux œuvres artistiques dans la décoration de ses magnifiques chalets. Les plus belles boutiques illustrent encore ce rapprochement entre décoration et art. Mi-galerie, mi-concept store, Formes et Utopies propose ainsi une sélection très pointue de pièces uniques ou numérotées de designers, mises en valeur dans une ambiance de galerie photos. Spécialisé dans le mobilier vintage, L’Atelier 55 conjugue de la même manière esprit brocante et ambiance muséale : les créations de Harry Bertoia, Hans Wegner ou encore George Nelson y côtoient des photographies de Charles Xelot, Jules Jaeckin et des huiles sur bois de Pierre Malbec. •
1.Dans sa boutique-galerie Formes et Utopie, Aurélie Charvoz propose une sélection pointue de pièces uniques ou numérotées, signées par de grands noms du design ou de jeunes artistes internationaux. 2. Marchand d’art depuis cinquante ans, Christian Dazy expose dans sa galerie des œuvres de Buffet, Combas, Derain, Dufy… mais aussi quelques peintres contemporains moins connus choisis avec soin. 3. Chez Scarlett, on pousse la porte, attiré par une antiquité et on repart avec un beau livre sous le bras… Ou l’inverse. Cette boutique-galerie propose un beau choix de meubles et objets vintage, pour l’essentiel des années 1950 et 1960. 4. Spécialiste du mobilier design du XXe siècle, L’Atelier 55 propose également à la vente des œuvres d’art, parmi lesquelles de nombreuses photographies. Quelque 3500 pièces sont exposées, dont certaines signées par des designers iconiques tels que Harry Bertoia ou Hans Wegner. 5. Architectes d’intérieur et décorateurs, Fanny et Yannick Gicquel ont créé leur agence, Refuge. Dans leur showroom, ils exposent leur conception de la décoration de style montagnard, contemporaine et chaleureuse, mixant les genres et les époques, les matériaux nobles et les teintes douces.
Une architecture caractéristique
Inventés par Henry Jacques Le Même, les chalets mégevans ont inauguré un nouveau type de villégiature alpine.
En 1925, la baronne Noémie de Rothschild commandait le premier « chalet du skieur » à l’architecte Henry Jacques Le Même en ces termes : «Je veux qu’il ressemble aux fermes du pays, mais avec un intérieur très confortable : de grandes fenêtres largement ouvertes sur le merveilleux paysage hivernal, un coin de feu accueillant (…), une chambre agréable qui puisse servir à l’occasion de salon de bridge, une grande salle de bains, et surtout pas de place perdue : de petites chambres d’amis dans les combles et des placards partout. Ah, j’oubliais le plus important : un porche abrité et un ski-room assez grand pour que l’on puisse farter, mettre les peaux de phoque… » L’architecte, récemment installe à Megève, sut inventer cette synthèse entre vie citadine raffinée et plaisirs alpins rustiques, don nant ainsi naissance à une nouvelle architecture de villégiature en montagne promise à un grand succès. Cette première bâtisse fut suivie de 250 autres dont bon nombre subsistent encore. Elles sont reconnaissables à leur toiture à double pente, leur soubassement en pierre de pays surmonté d’un étage enduit de blanc, puis d’un étage bardé de bois. Les menuiseries colorées et les fenêtres d’angle en constituent d’autres caractéristiques récurrentes. Et l’empreinte du brillant architecte de Megève ne s’arrête pas là : des hôtels, des magasins, des écoles, un préventorium (institut de prévention de la tuberculose), des bars et des dancings lui sont commandes, tous dominés par sa maison-atelier, radicalement moderne, qui domine le bourg. •
1 et 3. Les constructions de Le Même associent matériaux traditionnels et modernes. Dans les petits chalets de skieurs, tel Le Miage, doté d’un balcon en béton armé, l’étage de soubassement, en granit de Combloux, Page 13/14 est surmonté d’un rez-de-chaussée en béton enduit puis d’un étage et d’un comble bardés de bois. Le rez-de-chaussée surélevé comprend les services (entrée, cuisine, sanitaires) et un grand espace de vie. Quant à l’étage, il accueille trois chambres et une salle de bains. La toiture, à deux versants, se prolonge par un avant-toit caissonné qui lui donne l’allure d’un champignon. 2. Peintes dans une couleur vive qui tranche avec force sur le fond marron des planches, les menuiseries de ces chalets acquièrent une véritable valeur décorative