Les Monuments historiques, arme massive de défiscalisation
Les Monuments historiques, arme massive de défiscalisation
Imposé dans la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu et amateur d’immobilier de caractère, vous avez le profil idéal pour vous lancer dans un investissement en Monuments historiques. Motif ? Ce dispositif, créé il y a plus de cent ans, permet aux particuliers propriétaires d’un bien classé ou inscrit à l’inventaire des Monuments historiques de déduire de leur revenu global non seulement leurs intérêts d’emprunt mais aussi 100 % des tra vaux engagés en vue de la restauration ou de la réhabilitation du bâti ment en question. En d’autres termes, de réduire substantielle ment leur impôt en baissant leur tranche marginale d’imposition. « Si le principe de ce régime est proche de celui du déficit foncier, il se révèle néanmoins beaucoup plus intéressant au sens où le montant imputable n’est pas limité » insiste Mathieu Mars, directeur associé et conseiller en gestion du patrimoine à l’Institut du patrimoine. Mieux encore, en cas d’annulation totale de l’impôt et l’existence d’un éventuel surplus de déduction, celui-ci est reportable sur le revenu global des six années suivantes. Et ce, sans jamais entrer dans le calcul du plafonnement des niches fiscales. Ainsi, en réalisant une opération en Monuments historiques de 319.000 euros, dont 251.000 euros de travaux, un couple déclarant 300.000 euros de revenus annuels peut réaliser un gain fiscal sur deux ans de 103.000 euros.
Conditions contraignantes
Si l’avantage fiscal offert par ce dis positif a de quoi faire rêver, les conditions pour en bénéficier se révèlent, dans les faits, relativement contraignantes. A commencer par trouver un bien labellisé « Monument historique ». Car, il ne suffit pas qu’une partie du bâtiment soit classée (la cage d’escalier ou la charpente, par exemple) pour que l’immeuble en question ouvre droit à ce mécanisme de défiscalisation.
« Pour que les travaux soient intégralement déductibles, il faut qu’a minima l’ensemble des façades et des toitures soient classées ou inscrites aux Monuments historiques. Faute de quoi, c’est le régime général du déficit foncier qui prévaut sur les par ties ni classées ni inscrites », souligne Hugues de Tappie, dirigeant du cabinet en gestion de patrimoine Jedefiscalise.com. D’où une certaine rareté de ce type de produit. Selon le cabinet de conseil en gestion privée Thésaurus, il n’en existe en effet que 43.000 aujourd’hui en France (dont la majorité appartient à l’Etat), et seule une dizaine arrive chaque armée sur le marché. Quant aux travaux réalisés, ils doivent faire l’objet d’une autorisation de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et avoir pour objectif d « réparer, améliorer ou entretenir le bien, mais en aucun cas l’agrandir », précise Laurence Pla, responsable juridique et fiscal au sein du pôle immobilier de Thésaurus. Autres obligations de taille : le propriétaire est tenu de conserver son bien pendant au moins quinze ans à compter de sa date d’acquisition, et surtout, de le louer durant trois ans minimums. A défaut, pré vient Laurence Pla, « il encourt une reprise de son avantage fiscal. Et, cela peut au final lui coûter très cher. Outre les pénalités et intérêts de retard qui lui seront réclamés, il lui faudra également payer l’impôt dont il aurait normalement dû s’acquitter et dont le montant sera d’autant plus élevé qu’il avait profité du dispositif Monuments historiques pour basculer dans une ou plusieurs tranches d’imposition inférieures ».
Pour éviter une telle déconvenue, mieux vaut donc se montrer très attentif quant à l’emplacement des bâtiments éligibles à ce régime défiscalisant (ces derniers pouvant se situer dans des zones où la demande locative est faible) ou faire preuve d’un peu d’astuce comme louer à un membre de sa famille (autre que relevant de son foyer fis cal). Mais ce n’est pas la seule solution… Car, analyse Mathieu Mars, « l’engagement de location implique la perception par l’investisseur de revenus fonciers tirés du bien classé ou inscrit au titre des Monuments historiques. Or, pour dégager des recettes imposables, il n’est pas tenu de louer une partie habitable du bâti ment, mais peut se contenter, par exemple, dégénérer des revenus publicitaires avec la location d’une bâche sur les échafaudages du chan tier ». Et pour ceux réfractaires à toute idée de louer leur bâtiment, ils peuvent choisir d’en ouvrir tout ou partie au public (le jardin, par exemple) 40 jours par an minimum (10 jours sous conditions).
L’atout transmission
Particulièrement séduisant donc pour ce qui est de l’impôt sur le revenu et encore plus pour les contribuables qui engagent des travaux dès le début de l’année dans la mesure où ils peuvent en tenir compte immédiatement pour moduler à la baisse leur taux de prélèvement à la source, le dispositif Monuments historiques l’est également en matière de succession. « Dès lors, en effet, que l’immeuble ou une partie de celui-ci est ouvert à la visite, les héritiers sont totalement exonérés de droits de succession. Et ce, qu’importe qu’ils soient ou non membres de la famille du défunt », indique Mathieu Mars. Seul bémol, à la revente, la fiscalité sur la plus-value peut s’avérer plus lourde que prévu. En cause ? « Elle est calculée sur la base du prix du foncier hors travaux. Or, pour qu’une opération Monument historique soit intéressante au moment de son achat, il faut viser celles qui présentent des ratios fonciers/travaux de l’ordre de 20/80 », conclut Hugues de Tappie. Anne-Lise Defranc
À NOTER
Les Monuments historiques ne sont pas exonérés d’IFI, mais le « Bulletin officiel des finances publiques » (Bofip) précise que « pour l’assiette de l’IFI, il convient de faire preuve de prudence dans la révision éventuelle des évaluations fournies par les parties pour les demeures et bâtiments classés ou inscrits au titre des Monuments historiques ». Raisons évoquées : des charges importantes, un nombre limité d’acquéreurs potentiels et les contraintes découlant de leur ouverture au public ou de leur utilisation culturelle.