L’ancien,un vrai bon plan pour les investisseurs ?
L’année 2025 sera celle de l’ancien restauré », annonce Laurent Demay, directeur rescription grands réseaux du groupe François Ier. Alors que le glas a sonné pour le Pinel le 31 décembre dernier, le marché du neuf cède du terrain à l’ancien qui occupe désormais le devant de la scène. Avec sept cent mille à un million de logements anciens à rénover en France, selon le Club de l’amélioration de l’habitat, le terrain de jeu est vaste pour les investisseurs. « Depuis un an, les opérations de réhabilitation s’envolent. Pour nos vingt ans, nous avons réalisé, en 2024, notre plus belle année, avec un volume de ventes historiques », se réjouit Laurent Demay. Privés de dispositif fiscaux rattachés à l’immobilier neuf, les particuliers se tournent naturellement vers de nouvelles opportunités d’investissement. « Si depuis la loi zéro artificialisation nette (ZAN), les acteurs de la réhabilitation ont le vent dans le dos, cette année sera le point de bascule où l’ancien emboîtera le pas du neuf », soutient le directeur. D’autant que, à ce jour, les quatre grands mécanismes de soutien à la rénovation du bâti ancien – Denormandie, Malraux, monuments historiques et déficit foncier – ne seront pas menacés par le projet de loi de finances pour 2025. Contrairement aux dispositifs déficit foncier et monuments historiques, qui ne sont pas des niches fiscales, une incertitude pèse toutefois sur l’avenir du Denormandie et du Malraux. La prolongation du premier, déjà reconduit jusqu’au 31 décembre 2026 par la loi de finances 2024, reste suspendue au prochain PLF. Quant au second, il n’a encore
jamais été remis en question. « Il y a, derrière ces outils de défiscalisation, unenjeu patrimonial fort mais également politique pour des communes qui veulent rénover le parc de logement et assurer la sécurité de leurs habitants », observe Mylène Chartrou, directrice générale de Stellium Immobilier, filiale de Finzzle groupe. L’effondrement de deux immeubles de la rue d’Aubagne, à Marseille, en 2018, qui avait donné naissance à la loi Denormandie, reste marqué au fer rouge dans la mémoire des élus qui poussent aujourd’hui à la réhabilitation de leurs centres-villes. « A deux ans des élections municipales, la rénovation des
logements est un enjeu stratégique de campagne », souligne Thomas Ducerf,
membre de la direction en charge du développement d’Urban Premium.
Tensions sur le marché locatif
Depuis le 1er janvier dernier, conformément à la loi climat et résilience votée en 2021, il n’est plus possible de louer des logements classés G au DPE, soit plus de cinq cent mille logements selon laFnaim (cinq-cent-soixante-cinq mille au 1er janvier 2024). A cela s’ajoutent « plusieurs dizaines de milliers de biens qui pourraient sortir du parc locatif faute de travaux, souvent inaccessibles pour de nombreux propriétaires bailleurs », prévient la Fédération. Au 1er janvier 2028, les logements classés F seront à leur tour concernés, suivis des logements classés E, à compter du 1er janvier 2034.
Un cadre réglementaire qui vient tendre un peu plus un marché locatif déjà sous
extrême tension, mais qui se révèle, en même temps, une aubaine pour les
investisseurs opportunistes en quête d’un bien dégradé à valoriser, acheté
à bon prix et rénové aux dernières normes. « Il y a un intérêt des acquéreurs
pour les biens classés G, dont les propriétaires se trouvent déjà dans l’incapacité
de louer ou de réaliser les travaux au départ du locataire et qui se voient acculés
à la vente », constate Martin Menez, CEO de Bevouac. L’impact du DPE sur le prix de vente est devenu réalité. Toutefois, si la décote des logements jugés « indécents » à la location est alléchante – pouvant descendre jusqu’à 30 % –, elle n’est pas systématique et, surtout, ne garantit pas la rentabilité d’une opération de rénovation. « Il faut prendre en compte le prix au mètre carré du foncier et le mettre en regard du coût des travaux. Investir dans des rénovations lourdes et coûteuses fait sens dans les villes où le prix au mètre carré avoisine les 3 000 euros et où le montant du loyer perçu après travaux permettra d’amortir ces investissements », analyse le fondateur. Une équation rendue difficile
dans les grandes agglomérations soumises à l’encadrement ou au plafonnement
des loyers et où les prix de l’immobilier demeurent élevés, en dépit
du contexte baissier. « Un investisseur qui achetait un bien en 2018 pouvait
rembourser son emprunt à 100 % grâce aux revenus locatifs. Ce n’est plus le cas
aujourd’hui », ajoute le CEO. Pour trouver du rendement, les acquéreurs
regardent les villes moyennes où le taux d’effort est moindre, à l’image de
Dijon, Poitiers ou encore Nancy.
Un changement de paradigme
Même sur un marché moins porteur, l’immobilier confirme son rôle de valeur
refuge face à l’instabilité politique, géopolitique et économique nationale et
mondiale. Fluctuat nec mergitur : il tangue, mais ne coule pas. Stéphane Dalliet, président associé du groupe Bacalan (CIR, Urban Premium, Agarim), en est convaincu : le bâti ancien est l’avenir de la pierre. « L’on observe un véritable attrait des collectivités et des aménageurs pour l’existant, qu’il s’agisse de réhabiliter des friches industrielles à restaurer des immeubles de bonne facture situés en coeur de ville », affirme-t-il. Il rappelle que l’ancien réhabilité représente encore moins de 10 % de l’offre et que l’on recense près de cinq millions de mètres carrés de bureaux vides en Ile-de-France, dont 25 % pourraient être transformés en immeubles résidentiels : un potentiel de croissance pour le marché qui n’échappe pas aux investisseurs. Pour répondre à la demande croissante, le groupe CIR (structure historique de Bacalan), dédiée à la réhabilitation, s’appuie sur un réseau de mille deux cents partenaires artisans, architectes, bureaux l’études et entreprises du bâtiment. « La restauration du bâti ancien est un travail d’orfèvre, proche de l’artisanat, qui nécessite une distribution, une temporalité et une expertise spécifiques », prévient
Stéphane Dalliet qui constate « une financiarisation du résidentiel, à l’image
de celle que l’immobilier tertiaire a connue ». Appréhendant un changement
de paradigme, les acteurs du marché de l’ancien structurent leurs offres. « Pour
accompagner la professionnalisation du marché, nous devons créer des produits
destinés à une clientèle de plus en plus aguerrie et de nouveaux services »,
ajoute le président. La réorientation du marché est un virage pour les opérateurs (vendeurs et conseillers en gestion de patrimoine) spécialisés dans le neuf (et le Pinel). François 1er a développé « l’agrégation François 1er » : un programme de formation à la vente d’immobilier ancien restauré, avec ses techniques et ses processus de ventes spécifiques. « Notre métier consiste, avant tout, à restaurer des morceaux du patrimoine français », résume Laurent Demay. Sur un marché de l’ancien où l’amour de la (belle) pierre rime avec défiscalisation, les incitations à l’investissement privé méritent d’être étudiées.
Denormandie : le retour en grâce
Le dispositif Denormandie poursuit un double objectif : inciter à la rénovation
des quartiers dégradés et revitaliser les centres-villes qui ont perdu leur dynamisme. Inspiré du dispositif Pinel, il a été adapté pour encourager la réhabilitation de biens anciens dans des zones définies où la demande locative est forte et le besoin de rénovation élevé. Ce cadre incitatif permet aux investisseurs de bénéficier d’une réduction d’impôt pouvant atteindre 63 000 euros. En contrepartie, les propriétaires s’engagent à louer le bien rénové pendant une période déterminée (six, neuf ou douze ans). La réduction d’impôt est calculée en fonction de la durée de l’engagement locatif. Pour un engagement de six ans, la réduction est de 12 % du prix d’acquisition, elle passe à 18 % pour neuf ans et à 21 % pour douze ans. Le montant de l’investissement est plafonné à 300 000 euros par an, mais il est possible d’investir dans plusieurs biens jusqu’à ce plafond. Les autres charges, y compris les intérêts d’emprunt contractés pour l’acquisition du bien, sont déductibles du résultat foncier, si l’option pour l’imposition au réel est prise. Pour être éligible à la fiscalité Denormandie, le bien doit être loué nu. Le loyer perçu par le propriétaire est plafonné, selon des barèmes définis par la loi, en fonction de la zone géographique où se trouve le bien. Ces plafonds visent à rendre les logements accessibles à des ménages aux revenus intermédiaires, favorisant ainsi la mixité sociale dans les centres-villes rénovés. Les locataires doivent également respecter un certain plafond de ressources pour être éligibles à la location de ces biens.
Effet de report du Pinel
Boudé à sa sortie, le 1er janvier 2019, le dispositif Denormandie sort enfin de l’ombre du Pinel et connaît un retour en grâce auprès des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et opérateurs. « Le Pinel enterré, le Denormandie retrouve ses lettres de noblesse auprès des distributeurs et des communes et capte une partie de la clientèle du neuf », indique Arnaud Hacquart, président d’Imodirect. Historiquement positionné sur le monument
historique, le groupe CIR s’apprête ainsi à lancer, au premier trimestre 2025, une marque dédiée au dispositif Denormandie. « Nous avons reconfiguré une partie de nos bâtiments entrant dans le zonage Denormandie et nous allons créer une offre dédiée à ce dispositif, sur une centaine de logements identifiés », annonce Stéphane Dalliet. Cette nouvelle offre cible des biens haut de gamme et privilégiera la qualité aux volumes. « Nous ne ferons pas du Denormandie au prix du Pinel, ni ne tomberons dans les dérives qu’a pu connaître le dispositif dans le neuf. Nous conservons notre ADN patrimonial et architectural en allant chercher des immeubles dans des villes dynamiques, où le besoin locatif est fort », précise le président. Avec son programme Le Domaine Motte-Cordonnier, à Armentières
(Nord), une ancienne brasserie classée monument historique également éligible au Denormandie, Histoire & Patrimoine cum le les avantages fiscaux. Pendant la durée des travaux, les logements du Domaine Motte-Cordonnier bénéficiaient du dispositif Monument Historique, mais, depuis la fin des travaux et la livraison de soixante-dix-sept appartements, les douze lots restants sont désormais éligibles au dispositif Denormandie. En plus de l’avantage fiscal lié à la réduction d’impôt, Histoire & Patrimoine propose à ses clients un « boost supplémentaire » qui prend en charge 21 % du prix au-delà de 300 000 euros, sans limite, au titre d’une participation aux frais d’acquisition. Ce complément fiscal vient majorer les avantages pour l’investisseur, optimisantainsi l a rentabilité globale de l’opération. Par exemple, pour un duplex de 61,6 m2 proposé au prix de 348 970 euros, 21 % du montant (soit 63 000 euros) sont déductibles des impôts, auxquels s’ajoute le « boost » de 10 300 euros pour réduire encore le prix de revient pour l’acquéreur. « Ce mécanisme à double détente permet de maximiser l’économie fiscale tout en contribuant à la réhabilitation d’un bâtiment historique », explique Rodolphe Albert, président d’Histoire & Patrimoine.
Une grande sélectivité
Si le Denormandie s’impose comme le Pinel de l’ancien, contrairement à son prédécesseur dans le neuf, le dispositif repose sur un zonage précis, comprenant les communes du plan Action coeur de ville (soit deux-cent-quarante-cinq communes sur deux-cent-trente-deux territoires bénéficiaires), les signataires d’une opération de revitalisation du territoire (ORT) ou les communes dont le besoin de réhabilitation de l’habitat est particulièrement marqué. Au total, cinq cent- sept villes sont éligibles au Denormandie en 2025. Il est à noter, également, que depuis le 11 avril 2024, le dispositif est étendu aux investissements réalisés dans des copropriétés en difficulté (article 42 de la loi du 9 avril 2024). Un tel ciblage n’est cependant pas un gage de réussite de l’opération. Une grande sélectivité s’impose dans le choix de l’emplacement du bien à louer. « La rentabilité n’est pas évidente et dépend de chaque commune. Il faut choisir des villes qui ont un potentiel de développement pour espérer réaliser une plus-value à la revente », prévient Arnaud Hacquart qui défend « une lecture sociologique » des zones où investir. Surtout que pour bénéficier de l’abattement fiscal, les travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l’opération et améliorer la performance énergétique du logement d’au moins 20 à 30 %, selon la nature du logement. Pour Mylène Chartrou, l’équilibre financier entre le potentiel de marché locatif, le coût des travaux et le prix du logement brut à rénover est souvent délicat à atteindre. « Rénover coûte plus cher que de construire. Or, trop souvent, le rendement n’est pas suffisant pour rentabiliser les travaux et peut, dans certains cas, être inférieur à 3 % », concède-t-elle, ajoutant que « la plupart des agglomérations concernées par ce dispositif sont trop petites, avec une demande locative et une activité économique faibles ». Elle conseille aux investisseurs de s’orienter vers des villes moyennes, telles que Clermont-Ferrand, Poitiers, Caen, Metz, Cherbourg ou Brest, ou des communes bénéficiant d’une dynamique économique ou un attrait touristique, à l’image de Bayonne, Limoges ou Albi. Et dans une optique de détention à long terme, au-delà des douze ans prévus par le dispositif fiscal.
Malraux, un Pinel XXL dans l’ancien
Destiné à protéger les immeubles situés en secteurs sauvegardés, le dispositif Malraux offre des réductions fiscales importantes pour permettre leur restauration sous le contrôle des architectes des Bâtiments de France (ABF). Les biens concernés doivent être situés dans un site patrimonial remarquable (SPR) qui correspond aux anciens secteurs sauvegardés, ZPPAUP (zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager) ou AVAP (aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine), un quartier ancien dégradé (QAD), à conditionque la restauration soit déclarée d’utilité publique, ou dans un quartier dégradé dit NPNRU (nouveau programme national de renouvellement urbain). Pour bénéficier du Malraux, le propriétaire doit effectuer une restauration complète de l’ensemble immobilier et s’engage à louer nu à usage d’habitation principale du locataire pendant neuf ans après l’achèvement des travaux (aucun plafond de ressource du locataire ou de loyer n’est requis). La réduction d’impôt s’élève à 30 % du montant des travaux lorsque le bien est situé en SPR (sites patrimoniaux remarquables) et qu’il est couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), en QAD ou en NPNRU. Elle s’élève à 22 % du montant des travaux lorsque le bien est situé dans un périmètre couvert par un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) approuvé. Le propriétaire peut déduire jusqu’à 100 % des déficits de ses revenus fonciers dans la limite pluriannuelle de 400 000 euros de travaux réglés sur quatre ans. L’excédent de réduction peut être reporté sur les trois années suivantes (modalité applicable uniquement pour les permis de construire ou les déclarations déposées depuis le 1er janvier 2017). La réduction d’impôt s’étale sur la période du paiement effectif des travaux qui ne doit pas dépasser quatre ans après la date de délivrance du permis de construire. Par exemple : pour investissement global de 300 000 euros (60 000 euros de foncier et 240 000 euros de travaux), avec un taux de réduction d’impôt de 30 %, le propriétaire bénéficiera d’une réduction d’impôt de 72 000 euros sur un an, 36 000 euros par an sur deux ans et 24 000 euros par an sur trois ans.
Un dispositif haut de gamme…
L’avantage fiscal allant croissant avec le montant des travaux (pour cette catégorie de biens, les prix oscillent entre 3 000 et 4 000 euros le mètre carré, contre 1 500 euros pour un immeuble « standard »), le Malraux s’adresse, de préférence, aux contribuables aisés, avec un taux marginal d’imposition supérieur à 30 %, qui souhaitent réduire fortement leur imposition. « L’enveloppe globale des opérations en Malraux nécessite une capacité d’emprunt importante, à partir de 300 000 euros, ou la détention de patrimoine », souligne Arnaud Hacquart. Pas à la portée de toutes les bourses donc. Malgré un marché de l’immobilier chahuté en 2024 et un attentisme fort des investisseurs au troisième trimestre, lié à l’instabilité politique, le dispositif continue de séduire une clientèle haut de gamme. « Notre coeur de cible n’est pas impacté par les mesures fiscales du projet de loi de finances portant sur les revenus mobiliers. Nous avons même enregistré une forte demande jusqu’à la mi-décembre, ce qui n’arrive jamais, de particuliers qui paient cash ou via des financements, rattrapant ainsi nos ventes du troisième trimestre », raconte Rodolphe Albert. Ce dernier croit beaucoup au succès du Malraux en 2025 et annonce le lancement de plusieurs opérations, dont une à Avignon (la Cour Vernet) et deux à Strasbourg (le Passage de l’Ill et le Passage Notre-Dame, au pied de la Cathédrale). « Ce sont des produits fiscaux bien calibrés, qui fonctionnent auprès du grand public et dont la justification économique et l’intérêt général ne sont plus à prouver », soutient le président. Situés en coeur de ville, ces immeubles de belle facture trouvent facilement preneurs à la location. La vigueur du marché s’explique aussi par les politiques volontaristes des maires qui veulent redynamiser leurs coeurs de ville et développer une offre de logement de qualité, tout en respectant leur plan local d’urbanisme (PLU) et les exigences de la loi ZAN. « Nous n’avons jamais rencontré de freins à la rénovation. Le levier de l’ancien patrimonial est favorablement accueilli par les élus car il n’implique pas de programmes de construction, stabilise le corps électoral et entretient le parc immobilier existant », développe Rodolphe Albert. …
En voie de démocratisation
Longtemps réservé aux seuls investisseurs fortunés, capables d’acheter des grandes surfaces situées en hypercentre, le dispositif tend à s’ouvrir et à se démocratiser. « Cette année sera la première où notre proposition d’opérations en Malraux sera aussi forte », estime Laurent Demay. Le récent feu vert accordé par les collectivités locales et les mairies au découpage des immeubles en lots plus petits a permis aux opérateurs d’élargir leurs portefeuilles d’actifs et de proposer des enveloppes plus abordables aux investisseurs, à partir de 130 000 à 140 000 euros. « D’un côté, les communes ont acté le fait que la taille des cellules familiales se réduisait et que la demande locative portait davantage sur les deux à trois-pièces que sur les appartements familiaux. De l’autre, le profil des investisseurs évolue. Grâce à Internet, le Malraux sort du bureau des CGP et vient toucher le grand public qui s’intéresse aux enjeux de sauvegarde du patrimoine », analyse le directeur. Reste aux promoteurs à rassurer cette clientèle novice en matière de travaux, la bête noire des investisseurs et le principal frein à l’achat sur le marché de l’ancien. « Toutes les problématiques peuvent intervenir au cours d’une rénovation », indique Laurent Demay. Pour parer aux aléas, François 1er travaille de concert avec un cabinet d’avocats fiscalistes qui fait partie intégrante des projets de rénovation et intervient à toutes les étapes de l’opération (vérification de l’éligibilité de l’immeuble, sélection des artisans, validations des travaux sur le terrain, etc.). « La force de notre groupe est de mettre des verrous autour de ces investissements et d’apporter toutes les solutions », assure Laurent Demay. L’opérateur accompagne ainsi ses clients, depuis la pose d’option jusqu’à leur déclaration fiscale, en passant par le suivi après livraison, pour assurer leur tranquillité.
Monuments historiques : un puissant outil fiscal
Datant de 1913, la loi monuments historiques a été créée dans le but de favoriser la conservation du patrimoine français. Elle permet aux investisseurs de bénéficier d’un avantage fiscal important pour compenser le coût élevé des travaux engagés dans la restauration complète d’un ensemble immobilier. Les investisseurs concernés sont des contribuables fortement imposés, avec taux marginal d’imposition supérieur à 41 %. Les travaux de restauration, ainsi que toutes les charges, frais et intérêts d’emprunt sont déductibles à 100 % du revenu global (baisse de la base imposable du contribuable), sans aucun plafonnement. Les immeubles éligibles au régime fiscal des monuments historiques doivent être classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH) et les travaux, répondre à des critères stricts de justification pour bénéficier d’une déduction fiscale. A noter qu’un élément seulement du bâtiment (une tour, un escalier) peut être inscrit au patrimoine historique, jusqu’à la totalité du domaine, du parc à la charpente. En contrepartie de l’avantage fiscal, le propriétaire doit détenir son bien pendant quinze ans et le louer nu pendant trois ans. Par exemple, un investissement global de 300 000 euros, composé de 60 000 euros de foncier et 240 000 euros de travaux, donnera lieu à une économie d’impôt global de 120 000 euros sur un an (pour un taux marginal d’imposition à 50 %), de 60 000 euros par an sur deux ans et de 40 000 euros par an sur trois ans. Près de Clermont-Ferrand, au coeur de la station thermale de Royat, le groupe CIR a lancé une opération de restauration de l’ancien prieuré de l’église Saint-Léger, construit à partir du XIe siècle. Le site, classé au titre des monuments historiques depuis 1862, accueillera treize appartements, du T1 au T3 duplex avec balcon et parking. La quote-part de travaux de cette opération s’élève à 94 %, pour un prix de départ de 175 500 euros.
Travail « de dentelle »
L’appétence des investisseurs pour les beaux produits ne se dément pas. « Le montant moyen des lots commercialisés en monuments historiques est passé de 360 000 à 400 000 euros en 2024 », constate Rodolphe Albert qui confirme : « les programmes se vendent comme des petits pains ». Résilient face aux crises, déconnecté des aléas de l’immobilier, ce marché de niche – pas plus de deux mille à trois mille lots vendus par an – trouve son public. Histoire & Patrimoine commercialise le Domaine d’Assignies (vendu à 70 %), situé à Mérignies (Nord), pour un ticket d’entrée de 464 200 euros de travaux et une quote-part de travaux de 90 %. Le bâtiment de style flamand, typique de la région lilloise, date du XIXe siècle et a été laissé à l’abandon depuis plus de quinze ans. Il sera réhabilité en vingt-et-un appartements cossus, dotés d’une belle hauteur sous plafond, de cheminées en marbre d’époque, ainsi que de parquets. « Les façades du domaine seront restaurées dans les moindres détails : colombages, corniches, modénatures ou encore lambrequins ajourés, seront remis en valeur », précise le président. L’aile ouest du domaine sera transformée en musée par la commune de Tourmignies. Afin de piloter au mieux « le travail de dentelle » que représentent les travaux sur un bâtiment classé, Buildinvest constitue, à chaque opération, une association foncière urbaine libre (AFUL) regroupant les copropriétaires d’un ensemble immobilier. « Ces associations vivent le temps de la campagne de travaux et offrent une garantie de prix et de délais pour sécuriser l’investissement des propriétaires », explique François Benais, président de Buildinvest. Le groupe a développé une expertise en maîtrise d’ouvrage en s’appuyant sur des compétences internes et sur des partenaires externes à toutes les étapes du projet. « Nous travaillons avec une trentaine d’entreprises sous-traitantes, localisées dans l’ouest de la France, qui sont expertes dans la réhabilitation des biens classés monuments historiques ou inscrits au patrimoine », ajoute le président. A Senlis, Buildinvest rénove actuellement l’hôtel de Bellon qui fut le « billet de logement » du maréchal Foch, d’où il est parti pour signer l’armistice. Afin de faciliter leur location, ces imposantes bâtisses sont, le plus souvent, divisées en appartements. François Benais en est convaincu : les opérations en monuments historiques doivent servir à alimenter l’offre locative des centres-villes de province en tension. « A Châtellerault, la transformation de l’hôtel du Cygne Saint-Jacques, dans l’hypercentre, permettra de créer une trentaine d’appartements – déjà sur liste d’attente – qui accueilleront les agents administratifs et hospitaliers, salariés du tertiaire ou de l’école à proximité », indique-t-il. Le groupe met à la disposition des propriétaires un service de gestion locative et de syndic.
Une logique patrimoniale
Avec quelque quatre cents transactions par an, le marché des châteaux est encore plus confidentiel. Pour Olivier Brunet, directeur de Barnes Propriétés et Châteaux, la loi monuments historiques est l’outil fiscal le plus puissant pour rénover ces témoins de l’histoire de la France. « C’est le seul dispositif à couvrir l’ensemble des travaux de conservation, de rénovation et de reconquête du patrimoine, et qui peut, sans aucune limite ni plafonnement, réduire fortement l’imposition », décrit-il. Une bâtisse en ruines dans le sud de la France, dont le coût des travaux à plusieurs millions, peut générer 10 millions d’euros de déductions d’impôt, sur dix ans. Le dispositif est cumulable avec les subventions de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), sous l’égide du ministère de la Culture, à condition d’orchestrer les travaux avec un architecte des Bâtiments de France pour éviter la non-conformité des travaux – et la remise en état d’origine, aux frais du propriétaire. L’ouverture du site au public, si elle génère des créations d’emploi (boutique, billetterie, visites guidées, événementiel, etc.) peut aussi donner droit à des aides régionales et départementales. « La monétisation du bien permet aux propriétaires d’amortir les charges et les frais d’entretien de ces grands ensembles (chauffage, gardiennage à l’année, paysagiste, etc.) qui se chiffrent en dizaines de milliers d’euros par an », prévient Olivier Brunet. Engageants et chronophages, l’achat, puis la gestion d’un château au quotidien relèvent davantage de la passion que du coup financier. « Le point d’entrée de ce marché n’est pas la fiscalité, mais la volonté de valoriser et de transmettre un patrimoine historique », assure-t-il. Pour adresser cette clientèle spécifique, François 1er veut étoffer sa gamme d’opérations enrichies d’un parcours patrimonial qui prévoit l’exonération des droits de succession et de donation sur le bien acquis sous le régime monuments historiques. C’est le cas du Pavillon des Tamaris, à Aincourt, dans le Vexin (Vald’Oise) : un ancien sanatorium transformé en immeuble d’habitation composé de soixante-six lots, du T1 au T3.
Déficit foncier : pour les multi-investisseurs
Autre alternative pour rénover le bâti ancien dans le secteur diffus : le déficit foncier qui permet de déduire de ses revenus locatifs 100 % des dépenses engagées. Ce dispositif de droit commun s’adresse aux propriétaires qui veulent gommer des bénéfices fonciers importants avec une faible imposition sur le revenu. Il offre la possibilité de déduire l’excédent des déficits du revenu global à concurrence de 10 700 euros, avec report des déficits non déduits pendant neuf ans, sans aucun plafond de ressource de locataire ou de loyer, ni plafonnement des niches fiscales. En contrepartie, le propriétaire doit louer son bien nu, à usage d’habitation principale du locataire pendant trois ans après la fin des travaux. Le décret du 21 avril 2023 a porté le montant du déficit foncier global à 21 400 euros pour les bailleurs entreprenant des travaux de rénovation énergétique permettant de faire sortir un logement de l’état de passoire thermique (passage d’une classe E, F ou G, à une classe A, B, C ou D). Cet avantage est réservé aux propriétaires dont le bien réalisera un changement de classe énergétique le 31 décembre 2025 au plus tard, et dont les dépenses ont été engagées (devis accepté) à compter du 5 novembre 2022. Ce « super déficit foncier » s’applique sur trois exercices : de l’imposition des revenus fonciers 2023, jusqu’à l’imposition des revenus fonciers 2025. Un bémol, si le dispositif est fiscalement efficace, la question du financement des travaux se pose. « Avant de bénéficier de la déduction d’impôt, il faut avancer le coût des travaux, qui peut s’avérer conséquent dans le cadre d’une rénovation énergétique. Or, le marché du crédit actuel reste tendu et les banques rechignent à prêter, hors prêt immobilier. Il est très difficile d’obtenir un financement pour travaux et l’éco-PTZ est quasi gelé », constate Arnaud Hacquart.
Eviter la « carotte fiscale »
Manuel Ravier, cofondateur du groupe Investissement Locatif, met en garde contre la « carotte fiscale » : un faux cadeau du Trésor public à éviter dans un climat d’incertitude politique et que l’on finit toujours par payer. « Le sujet d’une taxation minimale des plus hauts revenus revient sur la table du prochain PLFSS et les dispositifs fiscaux existants sont sur la sellette. Il y a une volonté politique de supprimer les aides à l’investissement immobilier pour les particuliers qui fait douter de la pérennité des mécanismes de soutien actuels », observe-t-il. Si la nécessité de « verdir » le parc immobilier ancien laisse à penser que l’Etat continuera, d’une façon comme une autre, d’inciter les propriétaires, notamment de résidence principale, à rénover leurs biens, le flou s’installe sur l’investissement locatif. Par ailleurs, Manuel Ravier alerte sur le prix des opérations de défiscalisation (Denormandie, Malraux et monuments historiques). « Ces programmes qui jouent sur la douleur de l’impôt sont souvent vendus très cher, en intégrant l’avantage fiscal et le coût des travaux dans le prix de vente », estime-t-il. Pour trouver de la rentabilité, ce dernier oriente plutôt les investisseurs vers des projets en LMNP/LMP (location meublée non professionnelle/ location meublée professionnelle) avec une logique d’amortissement des frais et des travaux qui ne génère pas ou peu d’impôts. « L’important est de choisir le bon actif, au ratio prix/travaux/loyer compétitif et le bon emplacement », rappelle- t-il. Et construire soi-même son propre rendement.
SCPI résidentielles : elles sortent du bois !
Pour investir dans un bien ancien à rénover, sans avoir à porter soi-même les travaux, la société civile en placement immobilier (SCPI) reste un véhicule d’investissement à envisager. Moins connues que les produits de rendement, les SCPI résidentielles sortent du bois et jouent la carte de la stabilité et de la sécurité. Leur intérêt : elles sont accessibles dès 3 000 euros, en moyenne, pour investir dans des immeubles à forte valeur patrimoniale. « La SCPI permet à tous les investisseurs qui n’ont pas la capacité d’acheter de l’immobilier physique de se construire un patrimoine, avec ou sans levier bancaire », rappelle Thomas Ducerf. Modulable et adaptée au portefeuille de chacun, la pierre-papier donne aussi la possibilité aux porteurs de parts d’investir sur des thématiques d’investissement, de façon diversifiée. Urban Premium annonce la commercialisation de SCPI Malraux (dont il lance un nouveau millésime en 2025) et Denormandie, dont la troisième génération de véhicules sortira courant 2025. « Nous optons pour des véhicules qui optimisent la durée de défiscalisation, sur douze ans pour le Denormandie, et la durée de vie de la SCPI, de quinze ans », explique le directeur. Une SCPI en déficit foncier existe déjà dans sa gamme, ciblant les métropoles régionales et les cœurs des villes desservies par le TGV ou l’aéroport, des immeubles patrimoniaux disposant d’un
commerce au rez-de-chaussée. « Nous privilégions les achats en bloc. En tant qu’artisans de nos SCPI, nous rénovons les immeubles pour en tirer de la valeur et nous en faisons profiter les investisseurs, à partir de 5 000 euros », souligne Thomas Ducerf. Selon lui, dans un contexte de taux qui demeurent élevés, où la capacité d’investissement des particuliers est amoindrie, et en l’absence de nouveaux dispositifs de défiscalisation, la SCPI se pose en solution pour investir dans un immobilier de qualité.