Immobilier de défiscalisation : le match « Malraux-Monument historique »
Dans l’ancien à rénover, deux dispositifs fiscaux existent : le Malraux et le Monument historique. Plusieurs points communs rassemblent ces dispositifs de défiscalisation avec un gros effet de levier. Lequel choisir ? Revue de détail des avantages et inconvénients de chaque formule.
En Monument historique, c’est le système de la déduction de la base taxable qui s’applique au revenu brut global. Ce dispositif s’avère bien adapté aux contribuables imposés dans les deux dernières tranches du barème. (sylv1rob1/Shutterstock)
Le réflexe est parfois moins évident que dans le neuf, mais investir dans l’immobilier ancien rime également avec des avantages fiscaux. Pour les contribuables imposés dans la tranche marginale à 30 % et au-delà, ayant envie de se constituer un patrimoine de qualité dans la pierre, deux dispositifs sont accessibles : le Malraux et le Monument historique. Comment choisir ? Les cinq points clés pour les comparer et prendre la bonne décision.
1. Le type d’immeuble
Dans les deux cas, il s’agit toujours de belles pierres, ce qui signifie un immeuble ancien de caractère, datant de plusieurs siècles. Selon les cas, les programmes d’opérateurs spécialisés concernent la transformation en logements d’un ancien hôpital, d’un couvent, d’un hôtel particulier, d’un château ou d’une caserne.
Cette reconversion d’envergure s’effectue dans le respect de la structure historique du bâtiment en conservant autant que possible ce qui fait le cachet de l’ancien, à savoir de belles hauteurs sous plafond, de grandes fenêtres, des cheminées et des moulures. « On se retrouve parfois avec des volumes ou des surfaces atypiques, qui ont du charme et tranchent avec le neuf traditionnel », signale Jean-Baptiste de Pascal, directeur de développement d’Inter Invest.
L’autre dénominateur commun est le volet de travaux. En Malraux comme en Monument historique, la réfection engagée est d’envergure et de qualité. L’ensemble de l’immeuble (parties privatives et communes) est entièrement remis aux normes actuelles (isolation thermique, phonique, acoustique) du neuf. Et les interventions, notamment dans le second œuvre, ne sont pas réalisées par n’importe quelles entreprises. Les Architectes des Bâtiments de France et ceux des Monuments historiques veillent à ce que la réhabilitation s’effectue dans les règles de l’art et reproduise à l’identique les huisseries, les moulures et d’autres éléments.
Or cette exigence n’est possible qu’en faisant appel à des artisans spécialisés (ferronniers, tailleurs de pierre, charpentiers) capables de faire du « sur-mesure ». Ce savoir-faire et cette qualité des matériaux se paient au final 20 à 30 % plus cher que des travaux standards de rénovation. « Il y a souvent un côté intimiste de ces rares programmes, souvent de petite taille, qui séduit toujours », reconnaît Yves Mazin, cogérant du cabinet Version Patrimoine
2. La localisation
En ville ou à la campagne, la localisation des programmes varie selon les dispositifs.
Ainsi, un immeuble ancien éligible au Malraux se trouvera systématiquement dans un périmètre bien délimité, à savoir la ville historique. Car l’essence même de ce dispositif consiste encourager la rénovation et la redynamisation des centres anciens. Il existe deux zones comme le site patrimonial remarquable (SPR), le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
En Monument historique, seules les caractéristiques architecturales rares de l’immeuble comptent. « Il faut que le bâtiment soit répertorié ou classé à l’inventaire des Monuments historiques. Ainsi on peut trouver des programmes « MH » en milieu rural, péri-urbain ou urbain. A condition de cocher toutes les cases prévues par la loi, le Malraux et le Monument historique coexistent parfois au sein d’une même opération », indique Loïc Guinchard, directeur commercial de Buildinvest .
3. Le prix
C’est souvent l’écueil de ces programmes de standing. Le risque est de surpayer le bien sous prétexte d’un avantage fiscal à la clé Il faut donc rester vigilant sur les valeurs proposées et se renseigner sur celles pratiquées dans la ville ou le quartier où se situe l’opération. Il n’y a pas de miracles : une rénovation coûteuse et de qualité à laquelle s’ajoute la marge de l’opérateur contribue à fabriquer un prix de vente élevé.
Toutefois, ce résultat doit rester en phase avec le marché local. « En général, on se situe dans la fourchette haute des valeurs pratiquées. Cela vaut le coup pour un bien premium, rare, voire unique dans son genre dans la ville », insiste Jean-Baptiste de Pascal. Certains professionnels sont plus réservés sur ces opérations. « Le marché de la revente est parfois compliqué et comme le prix d’achat était haut, la plus-value n’est pas toujours au rendez-vous. Mieux vaut donc à terme conserver le bien et l’habiter », fait valoir Christèle Biganzoli, présidente de la plateforme Ritchee.
4. La location
Un bien acheté en Malraux doit, une fois rénové, être obligatoirement loué pendant neuf ans. Il n’y a ici ni contrainte sur le niveau de loyer, ni de plafonnement des ressources du locataire. En revanche, avec le Monument Historique, l’appartement peut, au choix, être occupé par son propriétaire ou être loué au moins 3 ans. Reste que la durée de détention minimale obligatoire est de 15 ans.
5. La fiscalité La mécanique fiscale de chaque loi est différente. Dans le Malraux, la fiscalité applicable est celle de la réduction d’impôts sur le revenu. Le taux applicable, selon les zones, est de 22 % (dans un site patrimonial remarquable) ou de 30 % (dans un plan de sauvegarde et de mise en valeur) du montant total des travaux dans la limite de 400.000 € sur 4 ans. « Cette opération est particulièrement adaptée aux contribuables payants entre 10.000 et 30.000 € d’impôts par an », indique Sophie Brondino, conseiller en gestion de patrimoine chez Massilia Finance (voir simulation).
En Monument historique, c’est le système de la déduction de la base taxable qui s’applique au revenu brut global. Ce dispositif s’avère fiscalement bien plus puissant que le Malraux et s’avère bien adapté aux contribuables imposés dans les deux dernières tranches du barème. « Plus la tranche marginale d’imposition (TMI) est élevée, plus l’effet fiscal sera important. Cela s’adresse particulièrement aux contribuables qui paient plus de 30.000 € d’impôts par an », précise Sophie Brondino. Ici, la totalité des travaux est déductible et sans plafond. En outre, il est aussi possible de déduire beaucoup d’autres charges (charges locatives, frais bancaires, les intérêts d’emprunts).
A noter que ces deux dispositifs n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales.
Du Denormandie « clés en main » Lancé en 2019 et remanié en 2020, le « Denormandie » peine à se mettre en route. Offrant des avantages fiscaux et des obligations locatives calquées sur celles du Pinel, ce dispositif a été conçu pour inciter à acheter un bien ancien avec au moins 25 % de travaux dans un périmètre défini. Ce sont notamment 222 villes moyennes signataires du programme « Action coeur de ville » qui peuvent accueillir ce dispositif.
Reste qu’il n’est pas facile de se lancer « en solo » dans cette opération complexe, car il faut suivre les travaux et bien se cantonner à ceux qui sont éligibles sous peine de requalification fiscale. Néanmoins, on voit fleurir ici et là chez les opérateurs spécialisés en Malraux et en Monument historique, quelques programmes « clés en main » estampillés « Denormandie ».
Ainsi, Buildinvest commercialise trois programmes à Senlis, Châtellerault et Limoges. « On trouve également des acteurs locaux qui parviennent à trouver un équilibre financier et sortent de petites opérations de 4 à 20 logements à Angoulême, à Cognac et à Saintes », complète Arnaud Groussac, fondateur de Patrimoine Store, plateforme de conseil en gestion de patrimoine.
« Avant d’acheter, il faut être attentif aux valeurs vénales pratiquées dans le secteur et à la réalité du marché locatif », prévient Yves Mazin, cogérant de Version Patrimoine. Dans son analyse du mois d’octobre sur le marché de l’ancien, le réseau Century 21 a indiqué que, depuis le confinement, « les petites villes sont plébiscitées » et offrent une « image plus attractive que les grandes métropoles ».