Dossier Gestion privée : Les charmes immuables du Malraux
(Dossier disponible en téléchargement ou lien sur le site Le Nouvel Economist en bas de page)
Après 50 ans d’existence, les biens éligibles se font rares mais toujours aussi séduisants pour les gros revenus.
Les propriétaires qui décident d’effectuer des travaux de restauration complète d’un immeuble dans certains secteurs peuvent bénéficier du régime de la loi Malraux. Dans l’immobilier locatif, ce dispositif est quasiment le plus efficace avec une réduction d’impôt qui est de 30 % du prix des travaux, retenu dans la limite annuelle de 100 000 euros, soit une réduction d’impôt pouvant atteindre 30 000 euros par an.
De plus, cette réduction d’impôt ne rentre pas dans le plafonnement des niches fiscales, une aubaine pour les contribuables fortement fiscalisés. Pour autant, les programmes sont rares et souvent chers. Aussi, la plus grande sélectivité s’impose.
Votée le 4 août 1962, la loi sur la restauration du patrimoine, dite loi Malraux, fêtera ses 55 ans. L’occasion de rappeler que l’objectif de l’homme d’État a été rempli au-delà de ler ses propres espérances. Les contribuables privés ont sauvé avec éclat des sites aussi emblématiques que le quartier du Marais à Paris, le centre-ville de Bordeaux et, bien sûr, le quartier de la Balance à Avignon, si cher à André Malraux.
Preuve de son efficacité sur la protection du patrimoine commun, le législateur a exclu en 2012 ce dispositif du plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros, faisant de la loi l’un des produits de défiscalisation les plus attractifs du marché. Revers de la médaille : plus de 50 ans après, le temps a fait son oeuvre et les biens éligibles se font rares et chers.
Désormais, l’investisseur qui souhaite malgré tout intégrer dans son patrimoine un bien de caractère tout en profitant de l’avantage fiscal, est contraint de se tourner vers des plus petites villes aux centres historiques décatis. Une option qui n’est pas sans risque, puisque la visibilité du marché de l’immobilier, à la location comme à la revente, est en effet plus limitée à Nîmes ou Saintes qu’à Lyon ou Bordeaux, comme en témoigne Mathieu Mars, directeur associé à l’Institut du Patrimoine, “les opérations immobilières en Malraux de qualité sont assez rares. La plupart de celles disponibles concernent en effet des centres-villes où la demande locative est faible”.
Pour faire encore grimper la rentabilité de l’opération, il faut bien sûr privilégier
les montages dans lesquels l’enveloppe des travaux représente une part importante du coût de l’opération
Pas de plafond pour Malraux
Parmi la panoplie de solutions de défiscalisation liées à un investissement immobilier, le dispositif Malraux, destiné à l’achat d’un bien immobilier ancien à restaurer, offre un double avantage aux contribuables fortement imposés, comme l’explique Renaud Deneux, directeur du développement chez Buildinvest : “la loi Malraux permet à un contribuable de réaliser un investissement locatif patrimonial en achetant un ou plusieurs appartements dans un immeuble de caractère en centre ville, tout en profi tant d’une réduction d’impôt significative”.
À la différence du Pinel, le dispositif Malraux porte en effet sur la réhabilitation d’immeubles anciens situés dans les quartiers historiques de centre-ville. Évidemment, les investisseurs tiers doivent choisir des villes qui ont un marché locatif solide pour rentabiliser leur investissement. “Le taux de réduction d’impôt en Malraux est de 22 % des travaux pour un immeuble situé dans une Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ou dans une Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (Avap).
« Ces deux périmètres viennent de changer de nom. Ils s’appellent désormais ‘sites patrimoniaux remarquables’, selon la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. À noter que ce taux de réduction passe à 30 % pour un immeuble en secteur sauvegardé ou dans un quartier ancien dégradé”, détaille Renaud Deneux.
L’enveloppe de travaux ouvrant droit à cet avantage fi scal est plafonnée à 100 000 euros sur 3 ans. Surtout, Christine Chiozza Vauterin, responsable de l’offre immobilière à la Banque Privée 1818, rappelle que “cette réduction d’impôt ne rentre pas dans le plafonnement des niches fiscales. À cet égard, ce dispositif séduit particulièrement ceux qui atteignent la limite de ce plafonnement”.
“La palette de contribuables intéressés par le Malraux est large. Globalement, ce dispositif attire l’attention
de ceux payant à minima entre 10 000 et 50 000 euros d’impôt sur le revenu.” Renaud Deneux, Buildinvest.
L’enjeu est de taille, les contribuables qui emploient une nounou, une femme de ménage et qui ont déjà acquis un bien avec un autre dispositif, Pinel notamment, ont de fortes chances de dépasser le plafond de 10 000 euros. En contrepartie de cet avantage fiscal, l’investisseur doit louer le bien pendant neuf ans, sans condition particulière sur le niveau de loyer. Ce placement donne l’occasion d’intégrer à son patrimoine un bien de caractère, porteur à long terme d’une plus-value potentielle, et susceptible de se revendre facilement.
En outre, pour faire encore grimper la rentabilité de l’opération, il faut bien sûr privilégier les montages dans lesquels l’enveloppe des travaux représente une part importante du coût de l’opération. “La cote part travaux/foncier est à cet égard essentiel. Il faut que les travaux représentent 50 % à 70 % du coût total de l’investissement pour que ce dernier soit réellement avantageux fiscalement”, indique Mathieu Mars, directeur associé à l’Institut du patrimoine.
Pour les portefeuilles bien garnis
Tous les contribuables qui acquièrent ou sont propriétaires d’un bien immobilier situé dans un périmètre sauvegardé et qui font des travaux de restauration peuvent bénéfi cier de la réduction d’impôt Malraux. Toutefois, dans la majorité des cas, l’investissement en loi Malraux s’adresse plutôt aux personnes soumises à une fi scalité assez élevée. Dans ce dispositif, le budget global de rénovation fluctue en général entre 2 500 et 2 800 euros le m2, contre 1 800 à 2 500 euros pour un bien classique neuf.
Souvent classés, ces immeubles sont restaurés (parties privatives et communes) dans les règles de l’art par des artisans et de compagnons sous la surveillance d’un Architecte des Bâtiments de France (ABF). Ce sont ces contraintes qui justifient l’avantage fiscal accordé par l’État. Naturellement, plus le marché locatif de la ville est tendu, plus le prix de l’opération est élevé.
Certes, le prix d’acquisition (travaux inclus) peut paraître plus cher payé et au-dessus de ce qui se pratique dans le secteur, mais en contrepartie, l’investisseur dispose d’un bien très haut de gamme et totalement rénové qui ne nécessitera aucuns travaux sur les 10 à 15 prochaines années. “Les investisseurs en Malraux ne sont pas les mêmes que ceux qui optent pour le Pinel. Compte tenu des montants plus importants en jeu, les acheteurs de Malraux ont davantage de patrimoine et sont soumis à davantage d’impôt”, précise Christine Chiozza Vauterin.
Ce dispositif est gagnant/gagnant puisqu’il permet aux contribuables de défi scaliser une partie de leur revenu, et aux pouvoirs publics de préserver un patrimoine de qualité et de lutter contre la déshérence des centres villes, en y créant des logements “tout confort”.
“Côté prix, il faut compter à Paris 2 800 euros de travaux et 7 000 à 8 000 euros de foncier au m2. Ce sont donc des opérations rares et chères et un peu moins avantageuses fiscalement. En province en revanche, les opérations sont plus attractives. Dans le centre de Dijon par exemple, on trouve des lots avec 2 000 euros de foncier et 2 800 euros de travaux sur des immeubles de grande qualité”, assure Renaud Deneux.
“Le premier prix d’un Malraux est d’environ 150 000 euros, pour dépasser le million. En réalité, il n’y a pas de limite”, complète Arthur Poisot, conseil en gestion de patrimoine du réseau Fiducée Gestion Privée. Des précautions à prendre Le dispositif Malraux n’est pas sans risque. Outre le montage de l’opération, le second point à étudier avant de se lancer dans un Malraux est son emplacement. En effet, pour s’assurer des revenus locatifs – notamment si l’on veut compléter sa retraite – et une plus-value en cas de revente à terme, il faut opter pour des communes dynamiques au plan économique et démographique. Il est primordial de faire une étude approfondie du marché locatif où l’investissement est envisagé. Tout doit être passé au crible : la croissance démographique, la densité des commerces, les structures hôtelières, la taille de l’agglomération et son tissu économique.
Ce dispositif est gagnant/gagnant puisqu’il permetaux contribuables de défiscaliser une partie de leur revenu et aux pouvoirs publics de préserver un patrimoine de qualité et de lutter contre la déshérence des centres-villes
L’emplacement, l’emplacement et l’emplacement… sont les trois critères d’un bon investissement immobilier locatif”, confirme Arthur Poisot. Et c’est bien là que le bas blesse.
Les villes au marché locatif dynamique (Bordeaux, Lille, Lyon, etc.) ont largement profité du dispositif. Beaucoup de rénovations sont donc aujourd’hui proposées dans des agglomérations de taille moyenne ou en déclin économique. Même si l’opération est fiscalement intéressante, le risque est grand d’avoir du mal à louer son logement, et à moins de bénéficier d’un emplacement extraordinaire, d’enregistrer à terme une moins-value.[…]
Par Pierre-Jean Leca