Dossier Gestion Privée : Attraction perfectible – Les pour et les contre du dispositif Pinel
(Dossier disponible en téléchargement ou lien sur le site Le Nouvel Economist en bas de page)
Même si sa rentabilité est faible et les contraintes importantes, la loi Pinel a permis une reprise du marché de l’immobilier locatif. “La loi Pinel a apporté un vent de liberté à la loi Duflot ; elle l’a assoupli mais les vraies contraintes n’ont pas changé.” Jean-Philippe Ruggieri, Nexity. Équitable, souple et vertueuse pour les uns, survendue pour les autres, la loi Pinel, prorogée jusqu’à la fi n de l’année, ne fait pas forcément l’unanimité.
Certes, ce dispositif de défiscalisation a relancé le secteur de la construction dans le neuf ces deux dernières années. Il dispose également d’atouts, à condition toutefois de respecter certaines règles bien précises et d’investir au bon endroit. Faut-il profiter de sa prolongation pour investir, ou bien lui préférer d’autres investissements immobiliers plus rentables ?
Le débat n’est pas complètement tranché…
Prolongée jusqu’à fin 2017, la loi Pinel a réconcilié les Français avec l’investissement locatif. Les investisseurs ont répondu présents, attirés par des avantages fiscaux et des taux d’intérêt encore bas. Par ailleurs, depuis deux ans, la construction d’immeubles neufs à visée locative a été dopée. Les autorisations de construire et les mises en chantier de logements collectifs neufs ont augmenté respectivement de 19 % et 13,4 % en 2016 par rapport à 2015, selon la Fédération des promoteurs immobiliers.[…]
[…] Un dispositif contraignant Parée d’atouts, la loi Pinel est cependant soumise à de nombreuses contraintes qu’il faut connaître pour investir utile. “La loi Pinel a apporté un vent de liberté à la loi Duflot ; elle l’a assoupli mais les vraies contraintes n’ont pas changé”, reconnaît Jean-Philippe Ruggieri. L’investissement en Pinel ne peut se faire que dans des zones très précises, où la demande en logements est tendue. Seules 600 villes sont concernées. L’investissement est limité à 300 000 euros. Le prix du loyer est plafonné et la loi impose un plafond de ressources au locataire.
Par ailleurs, acheter un logement neuf en état futur d’achèvement implique qu’il faut prendre en compte la durée de construction du programme neuf, ce qui peut retarder de plusieurs mois le paiement du premier loyer et donc le retour sur investissement.
“Trop de contraintes tuent l’investissement”, commente Renaud Deneux, directeur du développement chez Buildinvest, spécialisé dans les opérations de défiscalisation immobilière. En outre, pour ce dernier “les constructions ne se font pas toujours dans les meilleurs secteurs”. Or, en matière immobilière, l’emplacement est primordial.
Ce que confirme Jean-François Fliti, fondateur associé d’Allure Finance, spécialisée dans la gestion de patrimoine : “l’investissement dans la pierre est intéressant à condition de privilégier l’emplacement et la revente. Pour faire une plus-value à la revente, il faut être certain que l’investissement soit réalisé dans une zone rentable, ce qui n’est pas forcément le cas avec la loi Pinel”. Un zonage à revoir car les zones constituent une contrainte importante du dispositif Pinel. Et elles sont largement décriées par la profession qui en demande la révision. “Certains zonages sont illogiques. Investir en zone B2 n’a aucun intérêt”, déclare William Truchy.
“La loi Pinel gagnerait à bénéficier d’une cartographie plus fine des zones tendues. En zone Abis, il faudrait mettre en place au moins 6 ou 7 ‘souszones’ ”, confi rme Jean-Philippe Ruggieri. Ce zonage peut par ailleurs avoir pour conséquence l’émergence de quartiers-ghettos et engendrer à terme le risque d’une bulle immobilière en cas de revente massive et simultanée de logements Pinel.
Un argument que réfutent les promoteurs. “Les taux de vacances locatives sont très faibles. Les projets Pinel sont construits dans des zones où existe un véritable besoin locatif. Le risque de se retrouver avec trop de logements neufs n’existe pas”, estime Nathalie Watine. À voir, car le Laboratoire de l’immobilier a publié récemment une liste de 64 communes éligibles au dispositif Pinel à éviter ou à surveiller, en raison des risques locatifs potentiels. William Truchy admet : “le risque de vacance locative existe. C’est la raison pour laquelle il faut bien choisir son bien, tenir compte de l’emplacement et des besoins des futurs locataires, notamment en matière de transports en commun et de services”.
“La loi Pinel est une loi de masse. Il y aura forcément des mécontents à la revente”, souligne Renaud Deneux.
La rentabilité de la loi Pinel est son autre point faible. “En matière de défiscalisation, ce n’est pas extraordinairement rentable”, reconnaît William Truchy. Pour Jean-François Fliti, “le dispositif Pinel a le mérite d’exister, mais il est moins rentable que le Scellier ou le Périssol”.
L’inoxydable loi Malraux en vigueur depuis plus de 50 ans dans l’Hexagone permet une réduction d’impôt égale à 30 % des travaux engagés et réglés. “Une réduction immédiate, rapide et efficace, ce qui constitue un atout en ces temps incertains” souligne Renaud Deneux. Relookée en 2017, la nouvelle mouture de la loi Malraux permet de déduire 400 000 euros de travaux sur une période pluriannuelle de quatre ans, au lieu d’être plafonné à 100 000 euros par an. De plus, le déficit éventuellement non utilisé sur l’année est à présent reportable, et non perdu comme auparavant. “La loi Malraux n’en est que meilleure”, précise Renaud Deneux, qui ajoute “cette loi ne concerne pas seulement l’hyper haut de gamme et permet surtout de protéger les centres-villes”. Avec un inconvénient toutefois : une offre de plus en plus restreinte.[…]
[…] La profession reste favorable à une reconduction du dispositif Pinel au-delà de 2017, après modifications, notamment en raison du soutien à la construction qu’il apporte. “La stabilité nécessite la prolongation de la loi Pinel en 2018”, estime Nathalie Watine. “Il est indispensable que le prochain gouvernement prenne position dès cet été sur cette loi, sinon les opérations risquent de ne pas être actables avant le 31 décembre et de ne pas trouver preneurs”, ajoute William Truchy. “La loi Pinel est discutable, mais il ne serait pas sain d’arrêter d’un seul coup ce dispositif”, conclut Emmanuel Charlet.