C’est au propriétaire d’obtenir l’autorisation de louer en meublé son bien pour de courtes durées

Louer en meublé
30/07/2018

Le propriétaire d’un local à usage d’habitation qui ne demande pas l’autorisation requise pour louer ce local pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile s’expose à une amende civile, même si c’est une société qui le loue pour lui.

Le propriétaire d’un appartement à usage d’habitation situé à Paris loue son logement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage. Mais en réalité, il ne procède pas lui-même à ces locations : il donne l’appartement à bail meublé à une société, qui se charge de la mise en location sur divers sites internet. Cette pratique – la mise en location répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage – nécessite une autorisation de changement d’usage prévue par l’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation. Le propriétaire ne l’ayant pas sollicitée, il est assigné en paiement d’une amende sur le fondement de l’article L 651-2 du même Code.

La cour d’appel le condamne à payer cette amende.

Le propriétaire se pourvoit en cassation : selon lui, il ne peut être condamné sur ce fondement alors qu’il n’a pas procédé lui-même aux locations litigieuses et que c’est la société qui s’est chargée de la mise en location.

Le pourvoi est rejeté : le fait qu’il ait donné son logement en location meublée à une société avec autorisation expresse de le sous-louer de manière temporaire ne le dégage pas de la responsabilité qu’il encourt en qualité de propriétaire du logement.

A noter : c’est la première fois que la Cour de cassation a l’occasion de statuer sur les dispositions issues de la loi Alur du 24 mars 2014 visant à encadrer la pratique des « meublés touristiques » et à éviter que des logements vacants ne soient utilisés, en raison de la rentabilité plus importante des locations de courte durée à une clientèle de passage, à d’autres fins que celles d’habitation principale. Le législateur a entendu encadrer ce phénomène, en soumettant expressément ces locations à un régime d’autorisation (CCH art. L 631-7). Un régime d’autorisation préalable est instauré pour le changement d’usage de locaux destinés à l’habitation et leur transformation en locaux à usage commercial, industriel ou administratif, dans les villes de plus de 200 000 habitants et dans les communes de la petite couronne de Paris. La sanction du non-respect de ces dispositions est une amende dont le produit est versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble et dont le montant peut aller jusqu’à 50 000 € (CCH art. L 651-2).

En l’espèce, le propriétaire du logement reprochait à la cour d’appel de l’avoir condamné alors qu’il n’avait pas lui-même procédé aux locations litigieuses, mais avait donné son bien en location à une société qui s’était chargée de la mise en location sur divers sites internet. Mais le bail consenti par le propriétaire emportait « autorisation expresse de sous-louer de manière temporaire le logement ». C’est donc en toute connaissance de cause qu’il avait consenti ce bail. Or la jurisprudence est constante : lorsque le local est donné à bail, l’autorisation administrative exigée par la loi pour le changement d’usage doit être obtenue par le propriétaire, avant la signature du bail (Cass. 3e civ. 11-12-1996 n° 95-10.215 ; Cass. 3e civ. 7-7-2004 n° 03-11.427 : BPIM 6/04 inf. 403 ; Cass. 3e civ. 29-4-2002 n° 00-20.213 ; Cass. 3e civ. 22-1-2014 n° 12-19.494).

La Cour de cassation a rappelé récemment que l’autorisation de changement de destination doit être obtenue avant la signature du bail ; le bailleur ne peut s’en décharger par une clause laissant le locataire en faire son affaire personnelle (Cass. 3e civ. 10-6-2015 n° 14-15.961 : BPIM 4/15 inf. 240).

Le propriétaire du local a donc enfreint la réglementation en autorisant un tiers à sous-louer son bien sans l’autorisation préalable qu’il lui appartenait d’obtenir. Cette décision se comprend : toute autre solution aurait conduit à un dévoiement du dispositif instauré par le législateur.

Anne-Lise COLLOMP, Conseiller référendaire à la Cour de cassation

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Gestion immobilière n° 66025

 

Cass. 3e civ. 12-7-2018 n° 17-20.654 FS-PBI 

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