Comment préparer sa retraite à plus de 20 ans de l’échéance

Comment préparer sa retraite à plus de 20 ans de l’échéance

Serpent de mer d’Emmanuel Macron, la réforme des retraites a refait surface ces derniers temps. Mais difficile de savoir pour l’heure quelles en seraient les modalités. Si cet horizon est lointain, voici les meilleures solutions, financières ou immobilières, pour s’y préparer sans attendre.

Alors qu’une réforme des retraites pourrait voir le jour en 2023, selon les voeux du président de la République Emmanuel Macron, avec encore beaucoup d’inconnues et de zones d’ombre, l’épargnant n’a pas d’autre choix que de se préparer « en solo » des revenus complémentaires qui viendront doper sa pension retraite « peau de chagrin ». Une épargne placée au long cours peut, au choix, se répartir sur des placements financiers et immobiliers. Plus ou moins risquées, les solutions dans chaque domaine sont nombreuses et, parfois, cumulables. Revue de détail selon l’horizon lointain, ici à plus de vingt ans du départ en retraite, là à un horizon plus rapproché à moins de cinq ans de l’échéance.

1. Les solutions financières
L’assurance-vie

Véritable « couteau suisse » de l’épargnant, l’assurance-vie s’impose toujours comme LE véhicule à privilégier pour épargner en vue de sa retraite. « C’est un placement universel », affirme Yves Gambart de Lignières, du cabinet De Lignières Patrimoine. La loi permettant d’avoir autant de contrats que l’on souhaite, rien n’empêche de multiplier les ouvertures. Le produit est d’autant plus intéressant que les dépôts ne sont pas plafonnés et que l’alimentation est souple. Les versements peuvent s’effectuer à volonté, de façon ponctuelle ou régulière grâce à la mise en place d’une épargne programmée.

À plus de vingt ans de la retraite, il convient d’être offensif en se positionnant sur des supports dynamiques comme les actions. Bien que ces titres soient volatils à court terme, leurs performances sur une longue période sont au rendez-vous. Dans le dernier rapport de l’IEIF consacré aux performances comparées des placements sur la période 1981-2021, les actions affichent de très bons scores, souvent supérieurs aux autres classes d’actifs. Ainsi, le taux de rendement interne (TRI) s’établit à 5,7 % sur vingt ans et à 8,9 % sur trente ans.

Grâce aux unités de compte, on accède à un grand choix de supports proposés par des acteurs spécialisés. En quelques années, la gamme des placements diversifiés et thématiques s’est considérablement enrichie. On peut désormais investir dans de l’immobilier (SCPI, fonds viagers, SCI), dans des fonds infrastructures, dans des fonds structurés, flexibles et non directionnels et dans toutes les zones géographiques (Etats-Unis, marchés émergents…). Autre point fort : sa grande souplesse d’utilisation. « Il est toujours possible, en cours de vie du placement, de piocher tout ou partie des fonds logés pour financer un autre projet. Ce retrait ne clôt pas pour autant le contrat et l’ancienneté fiscale reste intacte », signale Albert d’Anthoüard, directeur de la clientèle privée de Nalo. Grâce à certains mandats de gestion, le titulaire d’un contrat peut même bénéficier d’une allocation « sur mesure ».

Le plan d’épargne retraite (PER)
Le PER a été spécialement conçu par les pouvoirs publics pour inciter les Français à mettre de l’argent de côté afin de préparer le financement de leur retraite, une période de la vie où les ressources baissent sensiblement. Ainsi, depuis trois ans, tout actif peut souscrire cette enveloppe à titre individuel et/ou collectif (au sein de son entreprise) qui se décline sous une version bancaire ou assurantielle. Durant le temps qui sépare de la retraite, l’épargne accumulée est placée dans une large palette de fonds. Grâce à une phase d’épargne « tunnel », la valorisation et la capitalisation des sommes « sanctuarisées » doivent en principe permettre d’obtenir une coquette somme, à condition comme toujours, de s’y prendre le plus tôt possible.

Reste que pour optimiser cette enveloppe consacrée à la retraite, plusieurs éléments sont à prendre en compte. D’abord, « avant d’alimenter ce plan, il faut être conscient que l’on n’aura pas accès aux fonds avant plusieurs années », insiste Yves Gambart de Lignières. La loi a prévu quelques cas de sorties anticipées avant terme (surendettement, invalidité, chômage prolongé…), dont l’achat de la résidence principale. Il convient, ensuite, de privilégier les plans offrant une large gamme de fonds afin de pouvoir toujours jouer la carte de la diversification. Enfin, veillez aux frais de fonctionnement, notamment ceux relatifs à la gestion. Sur une phase d’épargne de plusieurs dizaines d’années, ces ponctions régulières, en apparence indolores, pèsent lourd et constituent de sérieux coups de canif à la performance finale.

Ouvrir un PER au moment de la quarantaine semble faire l’unanimité auprès des gestionnaires de patrimoine. C’est surtout pertinent pour les contribuables dont le taux d’imposition sur le revenu atteint 30 % et au-delà. La raison ? Ce placement accorde un avantage fiscal à l’entrée. Chaque année, les versements volontaires sont déductibles à hauteur de 10 % des revenus imposables avec une limite en 2022 fixée à 32.902 euros pour un salarié et à 76.102 euros pour un travailleur non salarié. Ce cadeau fiscal peut être opportun pour les quadras. En plus d’être à une vingtaine d’années de la retraite, c’est un âge où les revenus s’apprécient et avec eux la pression fiscale. Investir dans un PER est d’autant plus intéressant que son titulaire a la possibilité de bénéficier rétroactivement des plafonds de déductibilité non consommés les trois années précédentes et même de les mutualiser avec ceux de son conjoint. « Autrement dit, si on alimente un plan en année N et que les plafonds n’ont pas (ou peu) été consommés les années N-1, N-2 et N-3, ils sont utilisables. Cette économie d’impôt est un bon moyen de booster son épargne », rappelle Franck Garnier, président du groupe Cincinnatus Patrimoine.

Le plan d’épargne en actions (PEA)

C’est la case à cocher pour faire fructifier des fonds sur une longue durée. Toutefois, cette enveloppe qui, par essence, donne accès à des supports 100 % dynamiques (actions, fonds…) offre un univers d’investissement plus restreint que l’assurance-vie et le PER. On ne peut y loger que des titres (cotés ou pas) de sociétés européennes. De plus, le plafond de versement est limité à 150.000 euros. Néanmoins, ce plan peut être cumulé avec un PEA-PME dans la limite de 225.000 euros. Enfin, la loi n’autorise la détention que d’un seul plan par personne. Le grand intérêt du PEA réside dans sa fiscalité. « Après cinq ans de détention et en cas de retrait total ou partiel, les gains sont exonérés ; seuls les prélèvements sociaux sont dus », indique Frédéric Gazier, responsable allocation d’actifs chez Haussmann Patrimoine.

Ce placement fonctionne avec un mode « on/off » binaire : soit l’on est exposé en actions, soit on ne l’est plus et on loge le cash au sein du Plan. Mais il ne faut pas abuser de cet abri car ces liquidités non investies ne sont pas rémunérées. Or, en période d’inflation forte, elles perdent de la valeur. Ensuite, il faut pouvoir être en mesure d’entrer à nouveau sur le marché pour saisir des opportunités. Pour ceux qui n’ont ni le temps ni l’envie de gérer leur PEA de façon active, des mandats de gestion pilotés par des professionnels sont proposés dans les établissements dépositaires des PEA. Il existe aussi des PEA gérés par des acteurs en ligne qui n’offrent que des supports sous forme d’ETF.

2. Les solutions immobilières

Se constituer un patrimoine
Investir dans la pierre, quinze à trente ans avant sa retraite, permet de se constituer, doucement mais sûrement, un patrimoine qui engendrera des revenus récurrents (loyers) au moment de la cessation d’activité. L’immobilier peut aussi, à terme, être vendu pour profiter d’un capital destiné à des projets plaisir ou à des achats liés au vieillissement (adaptation du logement principal, services à la personne…). Certes, une plus-value n’est pas toujours au rendez-vous, et les rendements locatifs nets évoluent entre 2 % et 6 % en général.

Des investisseurs en Bourse se targuent de mieux faire ! Oui, mais l’immobilier est le seul actif pouvant être acheté à crédit et bénéficier ainsi de l’effet de levier (utilisation de l’endettement pour augmenter sa capacité d’investissement) : on peut acheter un bien à 300.000 euros avec seulement 10 % de cette somme sur son compte courant, par exemple. « L’immobilier protège aussi de l’inflation puisque, hors intervention exceptionnelle de l’Etat (les pouvoirs publics bloquent actuellement l’augmentation des loyers à hauteur de +3,5 %), les loyers sont indexés sur celle-ci », note Olivier Lendrevie, président de Cafpi.

Les solutions d’investissement immobilier sont nombreuses et servent, chacune à leur façon, les intérêts d’une préparation financière de sa retraite. De façon transversale, l’utilisation de l’endettement (même si des liquidités sont disponibles) est judicieuse, tant celui-ci est favorable aux investisseurs.

Le crédit, allié des investisseurs

S’endetter comporte en effet cinq atouts non négligeables. Une mensualité de crédit représente d’abord une « épargne forcée » : contrairement à un versement programmé sur un produit financier que l’on peut stopper ou suspendre quand on veut, un remboursement de prêt est assuré, aboutissant effectivement à la constitution d’un patrimoine. L’effet de levier et la déductibilité des intérêts d’emprunt des revenus fonciers sont aussi positifs. L’assurance décès invalidité attachée à tout crédit immobilier est un contrat de prévoyance à moindre coût pour assurer son avenir et celui de sa famille. Enfin, les dettes amenuisent l’assiette taxable à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Emprunter continue donc de relever d’une bonne stratégie, même à l’heure d’une remontée des taux d’intérêt : « Pour les investisseurs, la hausse des taux doit être mise en perspective avec la déductibilité des intérêts d’emprunt qui permet de réduire la charge fiscale, notamment lorsque le taux marginal d’imposition est élevé », remarque Christine Valence, ingénieure patrimoniale chez BNP Paribas Banque Privée. Certes, il est moins facile aujourd’hui d’obtenir un prêt, mais il existe des solutions, notamment en se tournant vers les taux variables.

Les dispositifs défiscalisants

En plus de pouvoir bénéficier des bienfaits de l’endettement, l’investissement immobilier est, souvent, soutenu par les pouvoirs publics grâce à des avantages fiscaux accordés aux bailleurs. Rappelons, en préambule, que les avantages fiscaux peuvent être des chimères pour les investisseurs qui achètent sans sélectionner leur bien en fonction de sa qualité intrinsèque. « Se déplacer sur les lieux du projet et faire une petite étude locale (dynamisme du marché locatif, projets urbains, prix immobiliers, etc.) est le minimum avant de signer une opération de plusieurs centaines de milliers d’euros », conseille Ivain Le Roy Liberge, président de Sully Immobilier. Le Pinel (réservé à certaines zones et assorti de conditions de loyers et de ressources des locataires) permet – via une réduction d’impôts – d’abaisser le prix hors taxe du bien acheté neuf de 12 %, 18 % ou 21 %, selon le nombre d’années de location (six, neuf ou douze ans). Attention ! En 2023, ces taux de réduction d’impôt seront abaissés à 10,5 %, 15 % et 17,5 %, et, en 2024, à 9 %, 12 % et 14 %. Il sera toutefois possible de continuer à bénéficier des meilleurs avantages fiscaux (version 2022) pour l’achat de logements plus spacieux ou qui dépasseront la réglementation environnementale en vigueur. Revers de la médaille : ils seront sans doute vendus plus cher…

Le dispositif Denormandie (soumis aussi à un zonage) est le pendant « ancien avec travaux » du Pinel puisqu’il offre les mêmes avantages fiscaux, conditionnés aux mêmes contraintes. La spécificité du dispositif concerne les travaux à réaliser : ils doivent représenter au moins 25 % du prix global de l’opération. En 2023, ce dispositif permettra toujours d’abaisser son impôt de 12 %, 18 % ou 21 % du prix du bien (travaux compris). Toujours pour promouvoir la rénovation du parc ancien, le dispositif Malraux (accessible dans certains secteurs seulement) fait bénéficier aux investisseurs, selon l’emplacement du bien, d’une réduction d’impôt de 22 % ou de 30 % du montant des travaux de restauration.

Le Malraux n’impose pas de plafond de loyers ou de ressources, mais exige une location pendant neuf ans. « Souvent, les immeubles anciens à rénover peuvent être éligibles à ces deux derniers dispositifs, pointe Loïc Guinchard, directeur commercial de Buildinvest Patrimoine, et ils requièrent les mêmes travaux. C’est à l’investisseur de choisir le dispositif le plus avantageux pour lui. » « En dehors de ces dispositifs, amoindrir l’impact financier des travaux peut passer par le mécanisme du déficit foncier, complète Christophe Barillé, président du groupe François Ier. Il permet de soustraire du revenu imposable global (salaires, pensions de retraite…) le montant du déficit foncier, générant ainsi une diminution de l’impôt. Obligations : louer le bien nu et choisir l’imposition au réel. »

Le démembrement temporaire d’un bien

« Le statut de loueur en meublé non professionnel (LMNP) est aussi intéressant, ajoute Christine Valence, car il permet, en plus de déduire les charges de ses revenus locatifs (BIC), d’amortir le bien sur le long terme. » Autre solution parfaitement adaptée à la préparation de sa retraite, l’achat de la nue-propriété d’un bien : « En n’achetant que la propriété des murs (et pas la jouissance du logement, temporairement propriété d’un bailleur social, par exemple), explique Matthias Bertetto, directeur général du groupe Bécarré, l’investisseur profite d’un prix d’achat décoté (40 %, par exemple) et ne perçoit pas de revenus fonciers imposables au moment où il est déjà fortement fiscalisé. Les revenus seront perçus à la reconstitution de la pleine propriété, au moment de la retraite… »

Laurence Boccara et Françoise Paoletti-Benaziez