Dispositif fiscal « Denormandie » : la solution pour rénover l’habitat dans les centres anciens ?

Défiscalisation
28/03/2019

Avec le nouvel outil de défiscalisation “Denormandie dans l’ancien”, le gouvernement espère relancer la restauration des logements anciens, en particulier dans le cadre du programme Action coeur de ville. A condition qu’il existe bien un marché.

Instauré par un amendement au projet de loi de finances de 2019, dont les décrets d’application et arrêtés ont été publiés au JO du 27 mars, le nouveau dispositif de défiscalisation « Denormandie » est un peu la transposition, dans l’ancien, du système « Pinel », et avant lui « Duflot », « Scellier »,… En échange de l’achat d’un bien, loué ensuite à un loyer encadré, pendant une durée limitée, le propriétaire bénéficie d’une réduction d’impôt sur le revenu. Trop compliqué à appliquer à l’habitat existant dégradé, le « Pinel » a surtout eu du succès dans la construction neuve. De multiples logements ont poussé en périphérie des villes, voire dans les centres-villes.

Le logement, ce n’est pas que la construction neuve

Mais quid des centres-villes qui se dégradent ? L’ancien a toujours été le parent pauvre des politiques de construction. Il est temps que la tendance s’inverse, estime le gouvernement. Il s’agit aussi, selon le ministre chargé du logement et de la ville, Julien Denormandie, de « mobiliser l’investissement privé au service de la revitalisation des territoires et de la réduction de l’habitat insalubre […] et de remettre sur le marché des logements vacants »

Dans ce dispositif, le montant global de l’investissement – achat et travaux – pourra entraîner une défiscalisation, à condition que les travaux représentent au moins 25 % du total de l’achat du bien. La défiscalisation ira de 12 à 21 % du montant total, selon la durée de location du bien ensuite – six, neuf ou douze ans –, à loyer plafonné là aussi. Dans tous les cas, la déduction d’impôt ne pourra dépasser 300 000 euros.

 

222 villes et toutes les ORT

Pour ce qui est du périmètre, ce système vise les 222 communes du programme national Action cœur de ville mais aussi toutes les villes ayant mis en place une opération de revitalisation du territoire (ORT) telle que prévue par la loi Evolution du logement et de l’aménagement numérique (Elan). « Ce dispositif Denormandie diversifie les outils auxquels on peut recourir, notamment pour le bâti qui n’est pas sous protection patrimoniale », juge Loïc Guinchard, directeur de Buildinvest, un des rares opérateurs français spécialisés dans la rénovation de l’habitat ancien. Buildinvest vise en effet des secteurs sauvegardés pouvant bénéficier de la défiscalisation « Malraux ».

Un bémol : le potentiel locatif

Le « Denormandie ancien» devrait attirer des opérateurs spécialisés dans la rénovation mais aussi des investisseurs classiques. A une condition, toutefois : que le secteur soit attractif pour les locataires. « Si la ville n’a pas de potentiel locatif, aucun opérateur ne s’y risquera. Dans les villes qui sont entourées, en périphérie, de constructions neuves en Pinel, comme  Agen et Toulouse, ces logements joueront une concurrence néfaste, pronostique Loïc Guinchard. Et dans des communes très sinistrées de l’est de la France, même en rénovant au mieux, il y aura peu de candidats à la location ».

Une certitude : les villes qui mènent une politique de longue date en faveur de la réhabilitation et du retour des habitants en coeur de ville partent favorites. Exemple : « Nous avons fait du « Malraux » à l’îlot des Cordeliers à Châtellerault (Haute-Vienne, 31 800 hab.), où la mairie est très active et nous accompagne, poursuit Loïc Guinchard. Elle a désigné un opérateur, Soliha, pour aider les propriétaires qui le souhaitent à trouver des locataires ». Vingt-cinq logements vont être disponibles en bord de Vienne cet été. Ils ont pour la plupart déjà trouvé des locataires – notamment des seniors qui préfèrent quitter leur pavillon avec jardin pour revenir au plus près des commerces et des services.

Mais deux questions taraudent les professionnels. Sont ciblés les centres des 222 villes retenues dans le programme Action coeur de ville, certes, et les ORT. Mais qu’entend-on précisément par les zones « coeur de ville » ?  L’arrêté du 26 mars prévoit que ces zones sont les « zones de bâti continu de la commune ».

Autre interrogation : le système sera-t-il rétroactif et pourra -t-il s’appliquer aux permis de construire déjà signés dans les 222 villes concernées ? L’article 226  de la loi de finances pour 2019 prévoit que le dispositif s’applique aux logements acquis entre le 1er janvier 2019 et 31 décembre 2021.