Immobilier : une fiscalité en perpétuelle évolution
Par Jacques Duhem et Stéphane Pilleyre, de Fac Jacques Duhem
Les nouveautés relatives à la fiscalité immobilière parviennent sous un flot régulier aux fiscalistes et aux CGP… Les experts de Fac Jacques Duhem décryptent ce que ces professionnels ne doivent pas manquer.
Plus-values immobilières : travaux réalisés par le contribuable – prise en compte du coût des matériaux ?
Dans la mesure où l’article 150 VB-II-4° du CGI prévoit que les travaux doivent avoir été « réalisés par une entreprise », l’administration considére (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20-20131220, n°220) que ne peuvent venir en majoration du prix d’acquisition :
– les travaux réalisés par le contribuable lui-même ou par une tierce personne autre qu’une entreprise (ex : main-d’œuvre salariée) ;
– le coût des matériaux achetés par le contribuable même si leur installation est effectuée par une entreprise (les dépenses liées à l’installation des matériaux facturées par l’entreprise sont en revanche prises en compte en majoration du prix d’acquisition, toutes conditions étant par ailleurs remplies).
Plusieurs décisions de la juridiction administrative sont venues depuis plusieurs années censurer cette doctrine. La CAA de Nantes a jugé, dans une décision du 17 février 2011, qu’un contribuable pouvait, pour le calcul de la plus-value, majorer le prix d’acquisition, du coût des matériaux personnellement achetés dans un magasin et installés par une entreprise.
Cette même Cour de Nantes, a précisé sa solution dans une décision en date du 22 janvier 2015 en affirmant que « les dispositions de l’article 150 VB du CGI ne font pas obstacle à ce que le prix d’acquisition de matériaux et celui de leur pose soient pris en compte lorsque les matériaux ont été achetés par le contribuable à une entreprise et installés par une autre entreprise ». Cette jurisprudence a été confirmée par la Cour de Bordeaux le 8 février 2018, n°15BX03667.
En dernier lieu, c’est la Cour Administrative d’Appel de Lyon qui vient de rendre une décision défavorable à Bercy.
Les jugent estiment que le prix d’acquisition des matériaux et celui de leur pose peuvent être pris en compte (en majoration du prix d’acquisition) même lorsque les matériaux ont été achetés par le contribuable à une entreprise et installés par une autre entreprise mais à la condition que ces dépenses puissent être rattachées avec certitude aux travaux de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration réalisés par une entreprise intervenant sur le chantier.
Il est souligné que si les factures d’achat de matériaux produites par le contribuable précisent l’adresse du lieu de livraison ou font référence à un chantier, voire mentionnent le responsable de l’entreprise destinataire des matériaux et chargé de leur installation sur le chantier, dans ce cas, et dès lors qu’elles concernent des achats de matériaux nécessaires aux travaux de rénovation, aménagement, reconstruction réalisés dans les locaux aménagés par le contribuable leur montant peut venir en majoration du prix d’acquisition de l’immeuble.
On attendra avec intérêt la réaction de Bercy à ces jurisprudences qui lui sont défavorables.
Loueur en meublé et non-résident, réponse ministérielle Frassa, n° 01406, 17 mai 2018
Christophe-André Frassa [sénateur représentant les Français établis hors de France, ndlr] a attiré l’attention du ministre de l’Action et des Comptes publics sur le régime du loueur meublé professionnel lorsque le contribuable est un non-résident fiscal.
Le régime du loueur en meublé professionnel régi par l’article 155 du code général des impôts implique un certain nombre de conditions parmi lesquelles celle prévue au 3° du 2 du IV à savoir « ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l’article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 ».
Dans l’hypothèse où le loueur en meublé n’est pas un résident fiscal au sens de l’article 4B du code général des impôts, il était demande quels revenus professionnels devaient être pris en compte en comparaison avec les recettes issues de la location meublée.
Il a été répondu qu’à cet égard, les autres revenus d’activité s’entendent de ceux soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l’activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés.
La doctrine administrative publiée précise les modalités d’appréciation de cette dernière condition (§ 165 du BOI-BIC-CHAMP-40-10).
Ainsi, la prépondérance des recettes s’apprécie en tenant compte de l’ensemble des revenus des contribuables et, plus largement, du foyer fiscal sous réserve que ces revenus soient imposables en France en application de la législation française et, le cas échéant, des conventions fiscales internationales. Il s’ensuit que seuls les revenus imposables en France perçus par les non-résidents sont retenus pour l’appréciation de la condition tenant à la prépondérance des recettes tirées de l’activité de location meublée. Les revenus imposables uniquement à l’étranger qu’ils perçoivent par ailleurs ne sont pas retenus.
Revenus fonciers : travaux non déductibles (CE (na) 8e ch. 17-11-2017 n° 406597)
Les travaux ayant transformé une ferme en 42 logements destinés à la location ne sont pas déductibles. A l’issue des travaux, un ancien corps de ferme a été aménagé en 42 logements destinés à la location. Ce corps de ferme comportait, avant sa rénovation, plusieurs locaux à usage d’habitation. Les travaux, qui ont notamment consisté en la démolition des couvertures, charpentes, planchers et d’une partie des fondations des murs de façade ainsi qu’en la création de niveaux supplémentaires et d’ouvertures impliquant la démolition de la maçonnerie existante, ont permis une augmentation de la surface affectée à l’habitation.
Il est jugé que les travaux dont l’objet n’était ni de restituer aux bâtiments leur aspect d’origine ni de remettre en état le gros œuvre, mais de transformer des bâtiments de ferme en habitations, doivent être regardés comme des travaux de construction, de reconstruction et d’agrandissement au sens des dispositions de l’article 31, I-1° du CGI.
Dès lors, ils n’étaient pas déductibles.